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Page:Say - Œuvres diverses.djvu/286

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permanente et suivie, excéder les besoins. Ce sont donc les besoins qu’il faut faire naître ; et en cela, M. de Sismondi et moi, nous sommes d’accord : c’est sur les moyens seulement que nous différons, ou plutôt, sans remonter aux causes de ces besoins, M. de Sismondi conteste celles que j’assigne, qui sont l’aisance que procure une industrie plus active et une production moins chère, et les besoins qui naissent d’une aisance plus grande et des goûts plus civilisés qui en sont la suite. La grossièreté des aliments, des vêtements et des demeures accompagnent toujours le défaut d’activité et d’industrie. Il n’y a rien, je pense, dans une semblable doctrine, qui contrarie le bon sens, l’expérience et l’investigation la plus approfondie de l’économie des nations[1].

Mais il y a, au contraire, de grands dangers à suivre des maximes contraires. Elles persuadent à l’autorité qu’elle peut non-seulement sans détruire l’industrie, mais en la protégeant, s’occuper de la nature des produits et de la manière de produire, et s’interposer entre le maître et l’ouvrier pour régler leurs intérêts respectifs. M. de Sismondi n’a pas oublié l’immense ridicule dont Adam Smith a frappé les administrations qui s’imaginent savoir mieux que les nations, ce qu’il convient aux nations de produire, et la meilleure manière pour en venir à bout. Il ne peut pas ignorer qu’après les querelles de ménage, celles de l’intérieur des entreprises sont celles dont on doit le moins s’occuper. Pourquoi donc dit-il que la tâche d’associer les intérêts de ceux qui concourent à la mène production, au lieu de les mettre en opposition, appartient au législateur ? Comme si l’économie de la société tout entière ne

  1. Un produit qui ne rembourse pas ses frais de production, c’est-à-dire un produit dont la valeur vénale ne paie pas les profits et les salaires indispensables pour le mettre au point de satisfaire les besoins quels qu’ils soient des consommateurs, n’est point un produit, c’est le résultat inerte d’une peine perdue, du moins jusqu’au point où sa valeur vénale demeure au-dessous de ses frais de production. Telles sont les choses dont l’intérêt personnel tend constamment à prévenir l’encombrement. Et si la valeur vénale du produit paie les frais de sa production, quel encombrement est à craindre, puisque cette production procure à ceux qui s’en occupent, les profits et les salaires qu’ils sont en droit d’en attendre ?

    Cette considération fondamentale nous montre combien sont encore retardés les écrivains qui, en économie politique, ont cru pouvoir faire abstraction de la relation qui existe entre la valeur vénale des produits et celle des services productifs. Cette question et beaucoup d’autres sont mises à la portée de tout le monde dans l’ouvrage que je me propose de publier bientôt, et d’après lequel on pourra, je l’espère, se former une idée complète de nos connaissances économiques.

    (Note de l’auteur.)