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Page:Say - Œuvres diverses.djvu/287

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roulait pas sur des intérêts qui se débattent entre eux ! J’aimerais autant qu’il appelât le législateur ou l’administrateur, chaque fois qu’un chaland entre dans une boutique, à s’interposer entre le marchand et l’acheteur. Pourquoi appelle-t-il l’examen sur les lois qui pourraient obliger le maître à garantir la subsistance de l’ouvrier qu’il emploie ? Un pareil examen paralyserait l’esprit d’entreprise ; la seule crainte que le pouvoir intervienne dans les conventions privées, est un fléau et nuit à la prospérité d’une nation.

M. de Sismondi sent lui-même les conséquences, pourtant bien naturelles, que l’on peut tirer de son système ; il se défend d’avoir voulu préférer la barbarie à la civilisation, et de s’opposer à tous les progrès que l’homme peut faire ; ce n’est point contre les machines, ce n’est point contre les découvertes, ce n’est point contre la civilisation, que portent ses objections : contre quoi est-ce donc ? C’est contre l’organisation moderne de la société ; organisation qui, en dépouillant l’homme qui travaille de toute autre propriété que celle de ses bras, ne lui donne aucune garantie contre une concurrence dirigée à son préjudice. Quoi ? parce que la société garantit à toute espèce d’entrepreneur la libre disposition de ses capitaux, c’est-à-dire de sa propriété, elle dépouille l’homme qui travaille ! Je le répète : rien de plus dangereux que des vues qui conduisent à régler l’usage des propriétés ; cela n’est pas moins téméraire que de vouloir régler l’usage innocent que l’homme peut faire de ses bras et de ses facultés, qui sont aussi des propriétés. Si l’autorité oblige le maître à donner un certain salaire, elle doit obliger l’ouvrier à faire un certain travail ; c’est le système de l’esclavage qui reparaît, et qui viole la propriété du pauvre, qui est son travail, plus encore que la propriété de l’entrepreneur, qui doit pouvoir employer ses capitaux selon ses talents et des circonstances variables à l’infini[1].

Dans tout ce qui précède, j’ai consenti, suivant le désir de M. de Sismondi, à faire abstraction des débouchés que présente le commerce avec l’étranger, puisque les progrès de l’industrie intérieure suffisent pour expliquer l’extension des débouchés de l’intérieur. Cependant, le commerce étranger fournit incontestablement de nouveaux débouchés, quoique cela ne soit pas de la manière que l’on croit communément. Si je ne craignais pas de trop m’étendre sur ce sujet, je pourrais dire comment et jusqu’à quel point le commerce favorise la production ;

  1. Voir le Cours complet d’Économie politique, édition Guillaumin, tome II, page 365.