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Page:Say - Œuvres diverses.djvu/299

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conséquences. C’est la méthode d’Adam Smith, et c’est la bonne[1].

Ricardo et ceux qui professent la même doctrine ne se sont pas contentés de nier la coopération des fonds de terre dans la production des richesses sociales. Toujours prévenus de l’idée que le travail humain est seul productif, ils ont refusé toute action productive aux capitaux, c’est-à-dire, à ces valeurs presque toujours répandues en améliorations sur une propriété territoriale, et qui forment le fonds de presque toutes les entreprises de commerce et de manufactures. Ils prétendent qu’un capital, une portion de capital (par supposition, la valeur d’un outil ou d’une machine n’étant autre chose que la valeur accumulée d’un travail antérieur, le produit auquel la machine a contribué, n’est toujours que le résultat d’un travail ancien ou récent.

Je crois qu’ils méconnaissent l’action du capital dans la production, plus encore qu’ils n’ont méconnu l’action du fonds de terre. Je crois que, dans toute entreprise qui va bien et qui se continue, le capital sert, et n’est pas consommé ; ou du moins qu’il est perpétuellement rétabli, à mesure qu’il est consommé ; tellement qu’au bout d’une, de deux, de dix années, un capital qui a servi tout le temps, existe encore et se rencontre tout entier au moment d’une liquidation. J’en appelle à tous ceux qui connaissent le moins du monde les entreprises industrielles. Les produits d’une entreprise qui se soutient ont une valeur qui suffit non-seulement pour rétablir perpétuellement le capital dans son intégrité ; mais ils procurent un profit qu’il faut diviser en deux parts : l’une que l’on peut regarder comme le salaire des travaux de l’entrepreneur, l’autre, comme l’intérêt de ses avances.

Si la portion de la valeur capitale que nous considérons est une machine, le capital n’est rétabli qu’autant que les produits, indépendamment de l’intérêt, ont remboursé les réparations et que la machine a conservé son entière valeur. Telle est la marche de l’industrie, quand eue est productive ; tels sont les faits.

  1. C’est la Méthode expérimentale de Bacon, appliquée aux sciences morales et politiques. On sait quels étonnants progrès lui doivent les sciences physiques. L’économie politique lui doit ses seuls progrès véritables. Smith fonde en général ses raisonnements sur un fait, et non sur une proposition générale sujette à controverse ; et comme il était bon observateur et raisonneur judicieux, il se trompe rarement ; si rarement, qu’il convient d’y regarder à deux fois, avant de se mettre en opposition avec lui. Sans doute quelques faits lui ont échappé ; ses analyses sont dans certains cas incomplètes ; il a laissé de côté des parties de la science, et l’arrangement de son livre laisse beaucoup à désirer ; mais, dans les détails, sa méthode est la seule qui puisse conduire avec certitude à la vérité. (Note de l’Auteur.)