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Page:Say - Œuvres diverses.djvu/602

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on y trouve aussi de grandes inquiétudes. Sans parler des soucis que l’on conçoit sans raison pour son salut éternel, croyez-vous qu’il y ait un tourment plus cruel et plus constant que la persuasion que conçoit une femme ou une fille, que son époux ou soit père, qui leur consacre ses affections et sa vie, sera éternellement damné ; ce qui est bien communément le cas pour les femmes catholiques de bonne foi ? Beaucoup d’actions utiles et de vertueux dévouements ont été inspirés par les sentiments religieux, j’en demeure d’accord ; mais ils ont inspiré aussi beaucoup d’actions déplorables, témoins les bûchers des veuves de l’Indoustan et les martyrs de l’idole de Jagrenat. Et si l’on ne voit dans ces horribles extravagances que de tristes exceptions ; si l’on nous suppose guéris des guerres et des persécutions religieuses, a-t-on bien apprécié l’influence cachée des opinions dans les jugements que nous portons des autres ? J’ai vu des comités de charité priver de pain une famille indigente et vertueuse parce que le père et la mère n’allaient pas à confesse. J’ai vu des gens dépouillés de leur état, traînés en prison, parce qu’ils avaient imprimé l’Évangile moins les miracles ; et d’autres, parce qu’ils avaient regardé comme un événement possible que les nations renonçassent à de certaines croyances. Les erreurs sont du domaine des opinions ; et qui peut nombrer leurs vicissitudes depuis celles des sectateurs de Pythagore jusqu’à celles des méthodistes de nos jours ? Sont-ce la des fondements bien solides de nos actions ?

La volonté de Dieu ne saurait nous tromper, j’en conviens ; mais qui nous la fera connaître ? Des hommes. Je crois bien plutôt qu’elle se révèle à nous par les lois générales de la naturelles seules susceptibles d’être constatées. Ces lois attestent partout la sagesse de leur autour, car d’elles dépend la conservation de l’univers. Si le mouvement des corps célestes s’arrêtait un seul instant, ils se briseraient tous les uns contre les autres en vertu de l’attraction. La suspension d’une loi générale qui entraînerait le bouleversement du monde, ne serait pas un acte de puissance : ce serait un acte de démence. On ne peut pas le supposer de la part de la sagesse divine. Or, si l’éternel géomètre n’agit pas arbitrairement et par caprices, la connaissance des lois qu’il a établies est donc ce qui nous importe le plus ; c’est en les étudiant que nous l’honorons et que nous apprenons à connaître ses véritables volontés.

Je pense comme vous que les bonnes habitudes peuvent être con-