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Page:Say - Œuvres diverses.djvu/603

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tractées de bonne heure ; et je concourrai toujours avec vous pour recommander les pratiques les plus propres à faire contracter de bonnes habitudes. Mais par suite de la persuasion où je suis que tout enseignement doit être fondé sur la vérité, j’ai lieu de redouter les habitudes qui n’ont pour fondement que les systèmes et les vues des hommes. Ce sont les habitudes aussi, qui font qu’un Espagnol et un Portugais baisent la soutane d’un moine, et psalmodient autour d’un bûcher. La misère et le vice dont le genre humain est infesté viennent des pratiques, des habitudes, des opinions données d’autorité, enracinées dès l’enfance ; tandis que des opinions fondées sur Inexpérience, comme sur des expériences de physique, répétées, constatées, suivant les méthodes modernes employées pour découvrir la vérité, n’ont point ces tristes conséquences.

Vous me parlez du Catéchisme de Freame ; je n’ai pas l’avantage de le connaître ; je présume qu’il contient de très-bonnes exhortations, puisque vous en faites cas ; mais il est permis de compter peu sur le fruit des exhortations, quand on voit des populations presque entières qui ne manquent ni de catéchismes, ni de prédicateurs, ni de confesseurs, se conduire si mal dans leurs relations publiques et privées. Je croirais plus volontiers à l’efficacité de L’instruction ; mais je vous avoue que je n’appelle de ce nom, que l’enseignement de ce qui est. Au lieu de dire aux hommes : Je vous exhorte à mettre votre chapeau quand vous allez à la pluie ou au soleil, il vaudrait mieux, je crois, qu’on leur montrât à quoi l’on s’expose quand on sort la tête découverte au soleil ou à la pluie, et qu’on leur en expliquât les raisons (quand on les sait). Mais hélas ! que nous savons peu de choses ! Nous voulons expliquer même ce qui excède notre portée ; nous ne savons pas ignorer ce que nous ne pouvons pas savoir !

Adieu, mon vieil ami ; j’ai dû, par respect et par amitié pour vous, vous faire part des motifs qui ont guidé ma plume. Je ne suis confus que des éloges exagérés que vous a dictés votre ancienne amitié, à laquelle je mets le plus grand prix. Daignez recevoir les vœux que je fais pour votre bonheur et l’assurance de mon dévouement sincère.