Page:Say - Œuvres diverses.djvu/644

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tout de ceux qui, comme le vôtre, citoyens, consacrent toujours un certain nombre de pages à la morale ? Je le crois, et je penserais même qu’il est des vices et des ridicules que le théâtre ne peut pas plus atteindre que les lois ; qui donc en fera justice, si ce ne sont les journaux ? Je vous exhorte, citoyens, à persister dans la carrière que vous avez entreprise : le bien que peut faire un ouvrage périodique estimé, est immense ; vous savez que depuis Addisson jusqu’à nos jours, il en parait à Londres une foule dans le genre du Spectateur, et ceux qui ont voyagé dans ce pays-là (avant la révolution) savent combien les Anglais leur sont redevables. Aussi, quand la paix sera faite, vous adresserai-je un article de l’influence des journaux sur les mœurs anglaises ; article qui contiendra des observations et des faits que vos lecteurs seront bien aises de connaître, et qui j’espère, rectifieront bien des idées. Mais n’oublions pas l’objet principal de ma lettre.

N’avez-vous pas quelquefois eu affaire à des fonctionnaires publics qui abusent de la prééminence que leur donnent sur vous leur place et le besoin que vous avez d’eux, pour se permettre à votre égard des actions ou des paroles qu’ils ne se permettraient certainement pas si, au contraire, ils avaient besoin de vous ? C’est un abus de ce genre que je vous dénonce. Je n’aurai pour cela qu’à vous raconter tout bonnement ce qui m’est arrivé.

Un de mes amis partit il y a peu de temps de Paris, pour s’aller marier dans son pays : quelques jours après son départ, il m’écrit : Mon cher…, je suis désespéré, furieux, contre moi, contre mon étourderie ; mon mariage est sur le point de se conclure ; toutes les difficultés sont levées ; tout est prêt, mais tout est suspendu : on vient de m’avertir qu’il faut que mon mariage soit affiché à Paris, dans la section où je demeurais, pendant trois jours ! Il en faut autant pour que ma lettre te parvienne, autant pour que la tienne m’apporte mes papiers, voilà une mortelle décade à attendre ! Ma future est au-dessus de toute imagination ; cours à mon ancienne section, etc., etc. » Et vite, vite, je vais à la municipalité, de là à la section ; je m’adresse au commissaire de police, je lui remets les papiers pour qu’il les place sous le cadre, et il m’assigne au septidi suivant, pour les reprendre.

    ques hommes de lettres, au nombre desquels se trouvaient ses amis, Andrieux, Ginguené, Amaury-Duval, vinrent lui proposer de prendre la direction d’un recueil périodique destiné à ranimer en France le goût des lettres, et à défendre les principes de la morale et d’une liberté sagement comprise. Pendant cinq ans, et jusqu’à son entrée au Tribunat, notre économiste a été le rédacteur en chef de la Décade philosophique, littéraire et politique. Il l’a enrichie de beaucoup d’articles ; on se borne à en reproduire quelques-uns, qui, outre le plaisir que peut procurer leur lecture, montreront les tendances de cet ouvrage périodique, et la tournure d’esprit des véritables amis de la liberté et du bien public à cette époque.

    (Les Éditeurs.)