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Page:Say - Œuvres diverses.djvu/683

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grande apparence qu’il tient à une même cause, me disais-je. Lors, rassemblant quelques connaissances physiques éparses dans ma tête, j’ai fait ce raisonnement.

Les étincelles qui pétillent sous la main du jardinier, sont des étincelles électriques, car il électrise le poil de son chat en le caressant ; mais elles ne pétillent ainsi que lorsque l’air est sec ; car le poil ne retiendrait aucune électricité par un temps humide.

Maintenant, pourquoi, quand l’air est sec, ne doit-on pas craindre la pluie ? Ces nuages, qui sont des amas de vapeurs humides, ne peuvent-ils pas se fondre en eau sur ma tête quand l’air est sec comme lorsqu’il est mouillé ? Non, ils ne le peuvent pas ; car un air sec, comme une terre sèche, comme une éponge sèche, peut absorber beaucoup d’humidité ; et si les nuages se condensaient en eau, cette eau serait dissoute et se répandrait, en humidité, dans l’air avant d’arriver sur la terre, en pluie. Je voyais même, tout à l’heure, un petit nuage blanc que j’ai suivi des yeux, qui ne s’est réuni à aucun autre, et qui cependant a disparu. Il s’est fondu dans l’air ; si l’atmosphère avait été déjà chargée d’humidité, il serait tombé en pluie.

Allons, je vois que j’ai chez moi un excellent baromètre dont je ne m’étais pas avisé, et ce qu’il y a de charmant un baromètre qui prend des souris.

Ces réflexions et quelques autres m’ont conduit jusqu’à Villeneuve-Saint-Georges.

Oh ! le joli petit tableau que j’ai vu avant d’entrer dans ce bourg !

Est-ce un tableau d’histoire ? demanda-t-on en riant ? — Non, Madame, un tableau de genre, et qui porte pour titre : La marchande de cerises.

Elle avait un âne dont les paniers étaient pleins de cerises, et elle attendait les chalands ; mais, comme vous savez, rien n’est si ennuyeux que d’attendre. C’est alors qu’on est bien heureux de savoir lire, et la petite paysanne avait ce bonheur-là. Assise sur un banc, au pied d’un grand arbre, elle tenait un vieux bouquin qu’elle lisait avec la plus grande attention : il fallait que ce fût le Chat botté, ou toute autre histoire aussi grave, car la jeune personne ne levait pas les yeux de dessus son livre.

L’âne se désennuyait aussi de son côté, à sa manière. Campé sur ses quatre jambes devant sa maîtresse, il mangeait l’avoine qu’elle avait mise dans son tablier. Afin que l’avoine ne se perdît pas, les deux bouts du tablier avaient été noués sur le cou de l’âne, et la gentille paysanne, en écartant un peu les genoux, lui avait pratiqué une auge tout à fait commode.

En arrivant, j’ai vu ce groupe de profil ; la tête du baudet s’enfonçait pour chercher les derniers grains de son souper ; et ses deux