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Page:Say et Chailley-Bert - Nouveau dictionnaire d'économie politique, supplément.djvu/124

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ANCIENNE — iiO

ment fut une immigration analogue à celle qui a lieu aujourd’hui en Amérique  ; toutes les parties du peuple y participèrent, et tout le monde, en général, y améliora sa position. Dans l’Allemagne du Nord-Est, la langue slave disparut, parce que la population y fut réellement transformée. Le plus souvent, les Slaves ne furent gardés que pour cultiver les terres domaniales comme serl’s. C’est de cette période que date l’origine de tout le système rural si particulier de cette partie de l’Europe (Voy. Classes rurales’. Les colons allemands pénétrèrent notamment dans presque toutes les montagnes de l’Europe centrale, à partir du xir’ siècle, celles qui entourent la Bohème et la Moravie, les Sudètcs et les Karpathes jusqu’en Bukovine, en Transylvanie et en Roumanie. On y appelle encore aujourd’hui ces Allemands des Saxons. De même que les Slaves n’avaient pas mis en culture les riches terres basses du littoral et des rives fluviales, ils n’avaient pas non plus pénétré dans les forêts des montagnes  ; le plus souvent ils ne cultivaient que les plaines  ; c’est ce qui a rendu possible d’installer des populations allemandes considérables dans les pays même où il restait des populations slaves. Par ces conquêtes be’liqueuses ou pacifiques qui se sont faites pendant les six siècles qui ont suivi le règne de Gharlemagne,les Allemands ont regagné à peu près trois cinquièmes de leur ancien territoire qu’ils avaient perdu après la période dont parle Tacite, et par l’envahis- sement des Slaves, des Avares et des Magyars, et ils ont établi le fondement réel de deux grands pouvoirs, la Prusse et l’Autriche. On peut presque toujours suivre, par l’organi- sation des champs et de toute la culture, la manière dont s’est faite l’occupation. Ce n’est qu’au commencement du xv"^ siècle, après la défaite des chevaliers teutoniques à Tan- nenberg par le roi Jean Casimir, par suite des luttes soutenues par les Hussites et Georges Podiebrad en Bohème, par Mattliias Corvin en Hongrie, que cette expansion remarquable prit fin. Les diverses nationa- lités dans ces régions sont alors assez déve- loppées pour occuper elles-mêmes leurs ter- ritoires.

Ce n’est pas seulement en Allemagne qu’une colonisation et une expansion remarquables eurent lieu pendant la période des Croisades. Dans le Nord, les Suédois civilisaient, au xni^ et au xiv"^ siècle, la Finlande  ; les Danois occupèrent l’Esthonie et l’Ile d’Oesel  ; et une activité plus grande encore est développée par l’ordre allemand des Chevaliers du (jlaive en Livonie et en Courlande, et surtout par Tordre des Chevaliers teutoniques en Prusse. Les Croisades elles-mêmes, conduites surtout


COLONISATION ANCIENNE

par les Normands, de ITtalie méridionale et de la France, constituent une énorme ten- tative d’expansion. Dans la France elle-même, un grand efforl se manifeste à l’intérieur après la dernière Croisade jusqu’à la guerre de Cent ans, notamment sous le règne de Philippe le Bel.

L’apparition des guerres religieuses est ce qui a le plus contrii)ué à enrayer le mouve- ment économique de l’Europe. Les découvertes maritimes du Portugal et de l’Espagne ont vu leur importance très diminuée par le fait (jue ces pays ne possédaient pas une forte classe moyenne.

Les Highlands écossais, après la dissolution des clans de 174(3, ainsi que la Suède, à une époque tout à fait récente, olTrent des exemples frappants d’une grande expansion intérieure. Ce n’est cependant que la colo- nisation d’outre-mer de nos jours, surtout celle des États-Unis, qui ofîre une véritable analogie avec celle dont nous venons de parler dans l’Allemagne du moyen àgc et qui même la surpasse (1).

10. Dans l’Orient et notamment aux Indes.

Dans la Turquie et dans d’autres pays niaho- métans, le fait le plus remarquable dans l’organisation du droit de propriété est le pouvoir du gouvernement. Le principe fon- damental, c’est que le chef suprême est le maître absolu, et que les possesseurs des terres n’ont sur elles qu’un droit d’usage. Les droits de famille ou de tribu qui peuvent exister ont pris probablement naissance dans le besoin que l’on éprouvait de se mettre à l’abri du pouvoir arbitraire du gouverne- ment.

Une intéressante situation est celle que iwiisenlela Bosnie et.r Herzégovine, aujourd’hui soumises à l’Autriche. Là existent encore les anciennes zudrouyas ou communautés de famille, conservées et développées par les habitants slaves qui ont appelé les Turcs


(1) Depuis que ces lignes ont été écrites, nous avons reçu une contribution importante à la discussion de ces questions  ; mais elle nous est arrivée trop tard pour être utilisre dans le texte. Nous aurions voulu pouvoir la résumer pour le Supplément, mais cela même dépasserait l’étendue dont nous pouvons disposer.

C’est un article de M. P. Lauridsen dans Aarbôger for nordisk Oldkindighed og Historié, 1896. L’auteur dé- montre qu« les anciens villages que l’on trouve partout dans le Danemark, excepté dans l’ile de BornholMi et dans les landes du Jutland occidental, se présentaient sous une forme ronde ou oblongue, quoique différant de celle des anciennes formes slaves, mais étaient cependant identiques aux formes des villages de colonisation dans le ilolstein oriental  ; dans l’un et l’autre pays, ils sont le résultat de la redistribution qui eut lieu au moyen âge (le Sohkifle ou distribution systématique dont nous avons parlé dans le § 2).


COLONISATION