Aller au contenu

Page:Say et Chailley-Bert - Nouveau dictionnaire d'économie politique, supplément.djvu/130

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée


— HG


COPERNIC


et y obtint le grade de docteur. S’étant spé- cialisé dans les sciences matiiématiques et astronomiques, il fit un voyage en Italie, se lia d’amitié avec les plus célèbi’es astronomes, fut reçu docteur en médecine à Padoue et professa les mathématiques à Rome. Au bout de quelques années il revint dans sa patrie et son oncle le gratifia d’un canonicat.

Nous n’avons pas à nous occuper ici des découvertes et des théories scientifiques de Copernic, ni à analyser des ouvrages comme le De orbium cœlestiwn revolutionibus (i’6i3) ou le De lateribiis et angidis iriangulorum, mais il est de lui un mémoire relatif aux mon- naies, Monetœ cudendx ratio qui doit nous retenir un instant et qui permet de classer son auteur parmi les plus anciens écono- mistes financiers i.

Le grand-maître de l’ordre teutonique, Albert de Brandebourg, s’étant emparé des biens du chapitre de Warmie, Copernic fut délégué à la Diète polonaise de Grau- dentz (lo"21) pour protester contre cette usurpation. A cette occasion le roi de Po- logne Sigismond P"" le chargea d’un rapport sur l’altération des monnaies tant en Po- logne qu’en Prusse alors vassale de ce pre- mier pays. Plusieurs villes, Thorn, Elbing, Dantzig frappaient elles-mêmes leur propre monnaie, de sorte que la plus grande confu- sion régnait dans le régime monétaire des deux pays. D’altération en altération on en était arrivé, sous Albert de Brandebourg, à ne plus faire rentrer le métal fin que pour un douzième dans la composition de mon- naies fabriquées originairement au titre de neuf douzièmes !

Dans le Monetœ cudendse ratio Copernic expose avec une grande justesse d’expression les vrais principes en matière monétaire et fait, en même temps, l’historique de la question particulière dont il avait à s’occu- per. C’est à la fois un rapport et un projet de réforme.

Pour Copernic l’avilissement des monnaies est pour un État un terrible fléau qu’il com- pare à la guerre civile, l’épidémie ou la famine. Il montre le rôle utile que la mon- naie joue dans la société, comment elle sert d’instrument d’échange et il proclame que sa valeur ne saurait être arbitrairement fixée, mais dépend du métal fin qu’elle con- tient. A ce propos, il indique l’utilité de l’alliage et nous donne des renseignements sur la frappe des pièces. « La monnaie, dit- « il, est une mesure et comme toute mesure

1. Celle œuvre découverte à Kœnigsberg en 1813 par le professeur Scveria Vater, a été traduile en français et pu- bliée, par M. Wolowski  ; elle accompagne son édition du Traictie d’Oresme (Guillaurain 1864).


« elle doit être fixe. Que dirait-on d’une « aune ou d’un litre dont la longueur et le « poids changeraient au gré des fabricants « de mesure ? La valeur de la monnaie pro- « vient non de l’empreinte qu’elle porte, « mais de la valeur de métal fin qu’elle con- « tient, et entre ces deux valeurs il ne doit y « avoir qu’une seule différence, celle des « frais de fabrication  ; à quoi bon alors simu- « 1er une forte monnaie en alliant un peu « d’argent à beaucoup de cuivre? »

Ce que Copernic, tout comme Oresme (V. ce nom) et d’autres esprits éclairés avaient si bien vu, ceux que Ton a nommés les rois faux monnayeurs ne l’avaient pas compris, d’où les altérations successives sans aucun profit pour personne, puisque, ainsi que le remarque notre auteur, le prix des denrées ne se trouvait pas abaissé.

« Seuls les orfèvres et ceux qui se connais- « sent en métaux précieux profitent de nos « malheurs. Ils trient les pièces anciennes « qu’ils refondent afin de vendre l’argent, « recevant toujours du vulgaire inexpéri- « mente plus d’argent avec la même somme « de monnaie. Quand les anciens sous ont « presque disparu, ils choisissent ce qu’il « y a de meilleur parmi le reste, ne laissent « que la masse des plus mauvaises mon- « naies. De là vient cette plainte incessante « que Ton entend de tout côté, que l’or et <* l’argent, le blé et les provisions domes- « tiques, les salaires et le travail des arti- « sans, tout ce dont les hommes font usage « ordinairement augmente de prix. Mais « notre négligence nous empêche de voir (I que la cherté de toutes choses provient de « l’avilissement du numéraire. En effet, le <( prix augmente et diminue proportionnel- « lement à la monnaie. »

Après avoir constaté le mal, Copernic veut indiquer quels sont les remèdes à la situa- tion. Il propose d’arriver avant tout à Vimilé de monnaie et, dans ce but, il conseille au roi de réduire à deux les ateliers monétaires, l’un frapperait les pièces de Pologne, l’autre celles de Prusse. D’autre part, le prince ne doit pas chercher à tirer un profit quel- conque de la monnaie qu’il fait frapper.

Il s’agit ensuite de remplacer la monnaie altérée par une autre monnaie contenant un poids de métal fin assez important pour lui donner une valeur appréciable. On ne peut songer, selon Copernic, à revenir de suite, brusquementautitre primitif. Originairement le marc, valant 60 sous, pesait une demi-livre et l’on taillait, à l’époque où Copernic écri- vait, 30 marcs dans une livre d’argent  ; Co- pernic propose de tailler dorénavant 20 marcs dans une livre de métal fin.


COURCELLE-