Aller au contenu

Page:Say et Chailley-Bert - Nouveau dictionnaire d'économie politique, supplément.djvu/137

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

niT AC.RICOI.E


— 123 —


cMblT AGRICOLE


3. Difficultés du crédit agricole.

Le fonctioiinoment du crédit aijricole so heurte ù dos obstacles qui peuvent se classer en deux ordres  : les obstacles qui dérivent de la loi, du code civil en particulier, et ceux qui sont d’un ordre purement économique, ceux-ci ayant le plus souvent avec les pre- miers une connexion très étroite.

Au point de vue du droit, on a invoqué autrefois, avec insistance, le privilège de l’article 2102, § i’^ consacrant le privilège du proprétaire sur les biens du fermier pour tous les fermages dus ou à échoir, soustrayant ainsi aux tiers contractants avec les fermiers le gage qui pourrait garantir leurs créances. Cet article ne vise que le cas spécial du fer- mage, et de plus, aujourd’hui, la loi du 19 février 1889, article l^"", en a singulière- ment diminué la portée en réduisant son étendue à quatre an nées(pour les biens ruraux seulement et non pour les biens urbains), savoir  : deux années échues, l’année encours et une année d’avance. Cet artiele 2102, dans son ancienne rédaction dont beaucoup regrettent l’abrogation, était lui-même une source de crédit pour le fermier qui se ser- vait de ses recettes en retardant le payement de ses fermages au propriétaire, d’autant moins exigeant qu’il était plus solidement garanti par la loi.

Puis on a  ; avec plus de raison, invoqué l’obstacle de l’article 2076, qui veut, pour qu’il y ait valable constitution de gage, que ce gage soit mis « en la possession du créancier ou du tiers convenu entre les par- ties >>, autrement dit, interdisant la consti- tution du gage au domicile de l’emprunteur sans que celui-ci s’en dessaisisse. Or, préci- sément, le cultivateur a besoin pour son exploitation de garder chez lui ses animaux, ses instruments et machines qui pourraient garantir le crédit mobilier. 11 n’en est pas de même, il est vrai, de ses récoltes, mais il est rare qu’un cultivateur gêné d’argent les garde longtemps après la moisson ou la vendange  : il s’en défait le plus tôt possible pour dégager sa situation. Depuis long- temps, en France, le droit commun autorise que le débiteur saisi soit constitué gardien des objets mobiliers qui forment le gage du créancier poursuivant. De plus, le vendeur de meubles non payés conserve son privilège lorsque ces effets sont encore en la possession de l’acheteur. Et enfin les lois du 11 juillet 1851 et du 24 juin 1874 acceptent le principe du nantissement sans déplacement, en auto- risant, au profit des banques coloniales, l’en- gagement des récoltes pendantes.

Bien d’autres articles du code civil ont été


visés comme nuisant à l’établissement du cré- dit agricole mobilier, et notamment les arti- cles ISOO à 18 ;U. relatifs au cheptel, afin d’établir la lil)erté des conventions, dans ce contrat particulier  ; les articles o20,  : ;21,  ; ;22, 524, que l’on proposait do modifier en vue de rendre aux objets qualifiés immeubles par destination par ces articles la qualité de meubles, et d’en faciliter ainsi le nantis- sement  ; puis d’autres encore, les arti- cles 2072, 2078.

On a demandé également l’application aux cultivateurs des dispositions de l’article G34 du code de commerce pour les effets, billets, lettres de change et autres engagements commerciaux qu’ils auraient signés ou cautionnés, ce qui résume en un mot la commcrdalisation des engagements des cul- tivateurs.

Sur ce point rappelons que la législation actuelle permet de rendre justiciables des tribunaux de commerce les agriculteurs souscripteurs de billets à ordre, pourvu que ces billets portent la signature d’un com- merçant, et que la jurisprudence de la Cour de cassation consacre cette interprétation.

On demandait enfin la revision de la loi du 3 septembre 1807 sur le taux légal de l’intérêt (aujourd’hui revisée en ce qui con- cerne les engagements commerciaux), ainsi que delà loi du 19 décembre 1850 sur le délit d’usure.

Cette énumération des textes de nos lois dont on proposait la revision n’est même pas complète. Elle est suffisante ainsi pour montrer combien cette création du crédit agricole mobilier soulève de difficultés, et expliquer pourquoi les discussions des pro- jets de lois les mieux étudiés ont si souvent dévié de leur objectif pour aboutir à des échecs pitoyables.

Il est cependant utile de constater dès maintenant que, chaque fois qu’on l’a bien voulu, des méthodes de crédit se sont éta- blies qui, sans violer la loi, ont été efficaces pour atteindre le but qu’on se proposait  : témoin le crédit aux emlioucheurs (ou en- graisseurs) de la Nièvre, si bien organisé par le directeur de la succursale de la Banque de FranceàNevers,àpartir de 18G7 et étendu en- suite à la Normandie  ; témoins encore ces ma- gasins généraux emmagasinant les récoltes, analogues aux élévateurs des États-Unis, de la Bussie, que l’on a d’abord établis en Algérie à AfTreville, à BoufTarick, que l’on essaie d’acclimater en France à Iheure présente et qui ne sont qu’une application pure et sim- ple du warrant commercial à l’agriculture  ; témoins enfin les avances que font régulière- ment de nombreuses fruitières de Franche-


CRÉ