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Page:Say et Chailley-Bert - Nouveau dictionnaire d'économie politique, supplément.djvu/163

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intervalles, fsl tout aussi tniucli.ui l daus d’autres  : « On appelle vol l’action de pren- dre et de retenir le bien d’uutrui, dit une de ?es lionu’lies. En conséquence, sachons bien que chaque fois que nous aurons refusé de faire Tauniùne, nous serons aussi sevère- nu’iil punis que les voleurs. » Ailleurs nous lisons  : « D’où as-tu tiré ta richesse ? De mon aïeul, diras-tu, de mon père. Uemonte aussi haut que tu voudras dans la suite de tes ancêtres et montre-moi, si tu le peux, que cette possession est légitime  : tu ne le }wurras jantitis... Dieu a donné à tous la même terre, quiestcomiuune à tous les hommes... «  I-U plus loin encore  : « Si tu veux léguer tes richesses à tes enfants, que ce soient des ri- chesses justement acquises, si toutefois ibj en a de telles. »

A Alexandrie, au troisième siècle de notre ère, ce Ilot de haine de la richesse se grossit de l’enivrement métaphysique de l’école néo- platonicienne, proclamant avec son chef, l’Iotin, que l’Ame n’a cure des choses exté- rieures.

« L’intelligence (ou l’âme), écrit Plotin dans ses E)tucadcs et son Exhortation à la Philoso- phie, ne s’occupe pas des choses extérieures, par exemple de sauver le corps eu danger. Tout au contraire, elle l’abandonne si bon lui semble  ; elle ordonne à l’homme de re- noncer à la vie, à ses richesses, à ses enfants, à sa patrie même, car elle a pour but de faire ce qui est honnête pour elle et non de sauver l’existence de ce qui lui est inférieur. » Le but de la vie est la purification. Celle-ci consiste « à séparer le plus possible l’âme d’avec le corps. C’est là ce qui s’appelle mort, affranchissement et séparation de l’âme avec le corps  ; seuls les philosophes s’étudient convenablement à affranchir l’âme... Nous devons donc nous appliquer à la philosophie, qui nous procure le plus grand des biens en délivrant notre âme des liens par lesquels elle a été enchaînée par la génération. »

Ce parfait idéalisme est, suivant l’expression de Renan, « la plus haute règle de la vie détachée et vertueuse. Il a créé le ciel des âmes pures, où se trouve ce qu’on demande en vain à la terre ». Mais à mesure que l’Église s’étendit, à mesure qu’elle refoula et conquit le paganisme, à mesure qu’elle embrassa, non seulement les âmes d’élite altérées d’idéal, mais l’immense majorité des médiocres et des faibles, elle dut, à peine de compromettre son empire récemment établi, concéder à ces médiocres et à ces faibles des conditions d’existence compa- tibles avec leurs forces morales. LesChrysales, qui peuplent en foule la terre, ne s’accom- modent point d’une doctrine de renonce-


nieiiL lulrailable  ; gui-nille si l’on veut, leur guenille leur est chère, et à vouloir la leur faire par trop mépriser, ou arriverait à les rebuter à tout jamais et à les chasser hors de la portée des exhortations moralisatrices, dont ils ont cependant grand besoin. Plu- sieurs Pères s’aperçurent du danger qui menaçait la religion chrétienne et, faisant sa part à la débilité humaine, saint Clément d’Alexandrie par exemple, interprète d’une façon plus douce la prescription de vendre son bien pour le donner aux pauvres  ; il va jusqu’à découvrir des avantages à la pro- priété individuelle  : « Ne vaut-il pas mieux que chacun en conservant des richesses mé- diocres évite pour soi l’adversité et vienne au secours de ceux qui ont besoin ? Quel partage pourrait-il y avoir entre les hommes si personne n’avait rien ?. .. Puisque les ri- chesses ne sont par elles-mêmes ni bonnes, ni mauvaises, il ne faut donc pas les blâmer. Lorsqu’il nous est ordonné de renoncer à toutes nos richesses et de vendre tous nos biens, il faut entendre ces paroles des pas- sions et des mauvais sentiments de notre esprit. » Malgré la fougue de son tempé- rament, saint Augustin consent de son côté à concéder la légitimité humaine du droit de propriété  : « De quel droit chacun possède- t-il ce qu’il possède ? N’est-ce pas de droit humain ? D’après le droit divin. Dieu a fait les riches et les pauvres du même limon et c’est une même terre qui les porte. C’est donc en vertu du droit humain qu’on peut dire  : Ce domaine esta moi, cette maison est à moi, cet esclave est à moi. Or le droit humain n’est pas autre chose que le droit impérial. Pourquoi ? Parce que c’est par les empereurs et les rois de la terre que Dieu distribue le droit au genre humain. Otez le droit des empereurs etqui donc osera dire  : Ce domaine esta moi, cet esclave est à moi, cette maison est à moi. » Si, à première vue, il parait donc regretter la concession qu’il est forcé de faire, par contre le fait qu’il attribue aux princes la mission de dicter le droit, équivaut à sanctionner, au nom de Dieu, le droit de propriété qu’ils ont institué.

Le précepte impératif était donc devenu un conseil de perfection ; pour le commun des hommes, il suflisait d’agir avec modération et de faire un bon emploi de leurs richesses. L’àpreté au gain et la dureté de cœur restaient criminelles ; la possession de la richesse était pour le moins tolérée. Après avoir poussé à l’extrême sa réaction contre le droit de propriété absolu et exclusif des Romains, la loi religieuse sanctionnait l’existence de l’institution sans laquelle ne peut