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Page:Say et Chailley-Bert - Nouveau dictionnaire d'économie politique, supplément.djvu/173

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RURALE


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ÉCONOMIE RURALE


Avant cclto époque, lo |»rinci()cdu partage égal fait ordinairenieut partie des droits de famille et de tribu  ; mais la possession féo- dale suit bientôt la règle développée d’aljord dans les familles princièrcs. Elle entraine un service public, elle est attribuée au mâle aîné. Partout elle se développe  ; spécialement même lorsque la féodalité réelle avec ses ser- vices est en décadence. En Angleterre, les vestiges de service sont abolis sous Charles II, les liefs, knights fées, sont entrés dans la grande catégorie de la propriété ordinaire, free and cominon socayc, mais le droit et la coutume d’ainesse des mâles sont restés et se sont même, par de nouvelles coutumes, dé- veloppés d’une manière plus active  ; ils dominent maintenant la propriété foncière- Néanmoins, il faut excepter la propriété en général dans la plus grande partie du Kent, et, dans quelques autres contrées, les pos- sessions héréditaires dites copykolds, qui se transmettent d’après le partage égal, le fjavelkind, mot d’origine celtique indiquant la succession égale dans les familles. La primogéniture n’est guère une coutume populaire  ; mais elle continuerait, sans doute, pour le moment, à être suivie par la gentry et la nobillty, alors même qu’elle ne serait pas règle légale.

L’influence des droits de primogéniture est augmentée par la coutume de Vcntail, ou l’imposition de liens particuliers sur la pro- priété foncière, obligation de la laisser à d’autres « en queue », avec des dispositions spéciales sur la fortune au profit de divers membres de la famille, family settlements. Presque tous les propriétaires considérables règlent, par ce mode de substitution testa- mentaire, la tcnure des propriétés en tail, et disposent, largement, en connexion avec cette succession, de leur fortune pour la famille, settlements. C’est même, en pratique, par ces moyens, que les deux tiers probablement des terres sont héréditairement transmises. On voit la coutume d’hériter, d’après un cer- tain ordre déterminé, se développer sous Edouard P"", qui la reconnaît par ses deux lois célèbres  : De donis conditionalibus et Quia eniptores caveant.Vlyis tardles juristes trouvent des formes légales pour défaire ces dis- positions, et on croit que les coutumes moins strictes pendant deux siècles, depuis Edouard IV et surtout depuis Henr\’ IV jus- qu’à la République, ont contril)ué à créer une meilleure distribution de la propriété entre une classe plus nombreuse de gentry et de yeomen. Sous la République et après la Restauration, on affirme de nouveau le pou- voir de lier la propriété et la fortune, surtout par la création de trustées ou de gardiens.


C’était une manière de garantir les fortunes familiales contre les confiscations des parle- ments de Cromwell. La règle actuelle, et en même temps la seule chose permise, c’est qu’on dispose de la succession entre per- sonnes vivantes et au profit d’un successeur qui n’est pas encore né, jusqu’à ce qu’il ait atteint sa majorité de vingt et un ans (c’est la personne en tail, « en queue »). Mais, en fait, un nouvel arrangement survient pres- que toujours, avant l’arrivée de cette majo- rité, entre ce successeur et son « protec- teur », c’est-à-dire le possesseur actuel. Le fils y consent parce qu’il obtient lui-même immédiatement un revenu annuel. En pra- tique, les liens subsistent pendant un laps de 50 à 90 années et sont presque toujours renouvelés avant l’expiration.

Le système de succession qui régit de cette manière la proitriété terrienne en Grande- Bretagne est lieu satisfaisant, quoique disent les adhérents de M. Le Play. On a tiré les meilleures raisons en faveur de sa continua- tion, de la politique et surtout de l’adminis- tration locales. Mais les très grands proprié- taires ne vivent plus beaucoup sur leurs terres  ; ils en possèdent le plus souvent dans diverses localités et pourraient tout au plus rester peu de temps en chaque endroit. Avec les communications et les goûts moder- nes, ils ont aussi pris l’habitude de rester une partie considérable de l’année à l’étran- ger ou, du moins, hors de leurs terres. Toute i’inUuence et toute l’activité et de la gentry et de la nobility sont amoindries par suite de tout le développement moderne. Alors même qu’ils restent magistrats, comme justices of the peace, ou occupent d’autres fonctions analogues, on les a privés d’une grande partie de l’administration, depuis les administrations de l’assistance publique, boards of guardians, jusqu’aux nouveaux conseils des comtés, county councils. En tout cas, les raisons tirées de la vie publique sont aujourd’hui moins puissantes. Quant à la famille, on a toujours relevé de graves objections contre le système de laisser tous les autres enfants dans la pauvreté pour en enrichir un seul, comme l’a dit Adam Smith  ; on l’a même regardé comme un malheur pour celui qui sait qu’il héritera de la propriété  : c’est empêcher, en tout cas, l’éducation du fils aine, disait Berkeley. De la façon dont fonctionnent les entails, on trouve surtout que la procédure, d’après laquelle on dissout et renouvelle le settlement pendant la mino- rité du successeur, est très discutable. Tout le système, avec les intérêts viagers, amoin- drit les avantages et les pouvoirs du plein propriétaire et empêche des dispositions


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