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Page:Say et Chailley-Bert - Nouveau dictionnaire d'économie politique, supplément.djvu/193

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C.KL


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IIEGKL


la possession de fait clle-nièine renfenue un germe de droit. Savigny reprociiait à ce syslènie de ?c contredire  : car tout en pro- clamant que la volonté générale seule est le droit, auquel elle oppose le vouloir parti- culier comme un fait non juridique, il exige cependant leres[)oct de ce vouloir individuel peul-élre illégal. Quant à Savigny, il voyait dans la possession non pas un droit en germe, mais un fait juridiquement indif- férent, auquel se surajoute plus tard le caractère légal, quand la tradition, la cou- tume, les habitudes inconscientes de l’esprit populaire (VolUsyeist) l’ont sanctionné. Mais Gans répondit éloquemment dans son livre  : Uiber die GiitndUvjcn des liesitzes {I8’.i0), où il démontra que jamais un droit ne peut sortir d’un fait. La querelle se généralisa et gaf :na même les autres écoles. Les disciples de Schelling, avec Slahl, se rangèrent du côté de l’école historique. Thibaut, ancien col- lègue de Hegel à Heidelberg, prit une position intermédiaire.

La conciliation ne se produisit qu’avec le livre éminent de Ferdinand Lassalle, in- titulé  : System der ei’worbenen liechle (2 vol. 1861). Lassalle montre que les catégories juri- diques auxquelles Hegel avait attribué une valeur rationnelle absolue n’ont qu’une valeur historique. La volonté générale, source de tout droit, comme l’avait bien dit Hegel, peut elle-même changer. Klie peut, après avoir sanctionné pour un temps la propriété, la supprimer ensuite  ; en sorte qu’à la lettre, la propriété ne serait plus alors un droit, mais une illégalité. Et il lui sembla qu’en politique, en économie politique et en droit, les prérogatives particulières vont ainsi en diminuant au prolit des prérogatives de la collectivité.

Un économiste de génie et tout imbu de l’hégélianisme, LorenzvonStein, opéraitdans l’ordre économique une conciliation ana- logue. Dans son ouvrage  : Sozialismus iind Coinmunismus des heutitjen Frankreich (1842), il analysait à nouveau l’idée de société hégé- lienne. Le mystère des Constitutions que Hegel n’avait pu dévoiler lui parut résider dans la répartition des propriétés  ; l’opposition des classes sociales lui parut guider toute l’évo- lution historique. Dans sa Venvaltunfjslehre (7 vol. 1865-08), il analysa de même l’idée de l’Élat, et il formula un sucialisme d’l  :]tat mitigé, d’essence hégélienne par la prépon- dérance accordée au principe d’autorité, mais de tendance historique, par sa tentative de réduire à des idées économiques même les idées du droit civil.

2. Gauche hégélienne. — La gauche hégé- lienne se réclame de la méthode de Feuerbach.


LUe professe que l’Iiégélianisme est vrai tout entier, a condition qu’on en prenne le contre-piid. File conserve la dialectique hégélienne, le procédé par antithèses et con- ciliations. .S^nsualistes en théorie, les sec- tateurs de cette école furent individualistes et égoïstes en pratique. Tous n’allèrent pas sans doute jusqu’à l’individualisme anar- cliiste de .Max Slirner, mais tous commen- cèrent, comme lui, par la critique de la pliilosophie du droit de Hegel, qu’ils trou- vèrent autoritaire et a priori.

Ruge et Echtermeyer, qui ouvrirent cette polémique dans les Hallesche Jahrhikher (1838-41), puis dansles Deutsche Jahrbiicher de Leipzif  ; (1841-43), s’en tinrent à unlibéralisme à la fois humanitaire et nationaliste, qui médisait de la propriété et de la patrie, sans oser se détacher ni de l’une ni de l’autre. Ils restèrent strictement Étatistcs, mais reven- diquèrent une certaine liberté corporative.

Plus tard, le même recueil, continué à Paris sous le titre de Deutsch-franzôsiscfie JuhrlUcher (1844) et rédigé par Ruge et Karl Marx, avec l’arrière-penséede rapprocher la pensée philosophique allemande des ten- tatives révolutionnaires françaises, alla bien plus loin . Marx y démontrait que toute l’éco- nomie sociale nouvelle devait partir de ce fait démontré par Hegel  : l’apparition inévi- table de la misère à la suite du régime juri- dique existant. Frédéric Engels y inséra une « critique de l’économie politique» et les pre- miers chapitres de son livre sur « la situation des classes ouvrières en Angleterre ». Il établit que les idées économiques courantes abou- tissaient à une série de contradictions sans issue.

Engels et Marx demandaient tous deux la révolution par le prolétariat et la destruction de l’Etat traditionnel  : « car il ne s’agit pas d’administrer les hommes, mais d’adminis- trer les choses ».

Ainsi naquit le socialisme révolutionnaire marxiste.

Toute une nombreuse école de révolu- tionnaires allemands, Karl Griin, Wilhelm Marr, MosesHess, Jellinek, Rittinghausen, se consacra aussitôt à la même propagande. Ils s’avisèrent que pour émanciper l’Europe, il fallait lui enseigner la méthode dialectique hégélienne. Ka  : 1 (îrùn et Karl Maix, durant leur séjour à Paris, l’enseignèrent à P. J. Prou- dhon. Et cet enseignement détermina Prou- dhon à rédiger sous la forme d’une série d’antinomies le « Système des contradidions économiques (1845). L’école révolution- naire russe, avec Alexandre Herzen, Ogareff. Tschernichewsky, emprunta à la gauche héirélienne sa méthode à la fois et ses idées


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