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Page:Say et Chailley-Bert - Nouveau dictionnaire d'économie politique, supplément.djvu/21

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ANAFICHIE


daiiii de l’école autoritaire et conserve l’Etat gendarme. L’école anarchiste prétend suppri- mer même l’État t.’endarme.

Les partisans du laisser-l’aire disent  : Moins il y a de j^’ouveinement, mieux cela vaut. Les anarchistes réplicjuent  : Pourquoi supportei- cela, le meilleur ^’ouvernement est celui qui ne gouverne pas du ton!. Le despotisme n’est pas une forme de l’Etat, il en est l’essence. Aussi se proclament-ils athées de l’État, per- sonnification de l’injustice, de l’oppression, du monopole. Aucun corps, aucun individu n’a le droit de se mêler de nos alfaires. Uonc plus d’autorité, dynastique ou temporaire, élue ou non élue, plus de pouvoir obéi, ni Juges, ni employés, ni policiers, ni percep- teurs, plus de lois respectées. Lesliljéraux tels que Spencer considèrent comme un mal l’ex- cès de léu’islalion  ; le jurisconsulte Dalloz, cité par Kropotkine, écrit  : « Quand l’igno- rance est au sein des sociétés, et le désordre dans les esprits, les lois deviennent nombreu- ses, les hommes attendent tout de la législa- tion, et chaque loi nouvelle étant un nouveau mécompte, ils sont portés à lui demander sans cesse ce qui ne peut venir que d’eux- mêmes, de leur éducation, de l’état de leurs mœurs. » De ce qu’on fabrique trop de lois, Kropotkine conclut qu’il n’en faut aucune  : « Les millions de lois qui dominent l’huma- nité se divisent en trois catégories principa- les  : protection de la propriété, protection du gouvernement et protection de la personne, et le résultat d’une enquête exacte, c’est l’inutilité, la nuisibilité de toutes ces lois. » Elles sont nées de la violence, de la su- perstition, elles ont été établies dans l’in- térêt du prêtre, du conquérant et du riche exploiteur, il faut faire un feu de joie de tous les codes. Que le peuple ai : ;isse à sa guise, sans subordination, sans police, pourvu qu’il n’enfreigne pas la liberté égale de tout autre homme. Et comment l’en empêcher sans police? Toute force publique sera désor- mais inutile, les hommes, par l’anarchie, étant devenus meilleurs, question que nous aurons à examiner quand nous traiterons de la mo- rale anarchiste. On pourra d’ailleurs fonder des sociétés libres de protection des per- sonnes, comme il y a aujourd’hui des socié- tés d’assurances contre l’incendie. Quant aux agressions du dehors, s’il s’en produisait, les populations envahies se soulèveraient et suf- firaient à les repousser sans armée perma- nente.

Le sol ainsi déblayé, les individus se grou- pent librement, comme ils le font aujour- d’hui en sociétés de peintres, de gymnastes, etc., sans qu’il soit besoin de la cravache de l’État et <• l’inlluence de ces groupes de


citoyens qui se substituent peu à peu au morcellement réalisé par la révolution, va toujours en grandissant ’ ».

Prenez des cailloux, disait Fourier, mettez- les dans une boite, ils s’arrangeront d’eux- mêmes mieux que si vous tentiez de le faire avec art. Une organisation se fera spontané- ment, non de haut en bas comme la cen- tralisation de l’État, mais, comme le veut Hakounine, de bas en haut. Les individus libres s’associent en communes indépen- dantes, qui se groupent à leur tour en fédéra- tions de communes, de régions, en grande fédération internationale et universelle. Il y aura des groupes, des associations de mé- tiers, non subordonnés à la commune, mais basés sur les mêmes principes, et qui n’au- ront également d’autre pouvoir que ceux volontairement consentis par chaque indi- vidu, et pour le temps qu’il lui plaira de les garantir. La nature sociale de Tliomme aura assez de force adhésive pour maintenir le tout ensemble. On ne verra pas trace de gou- vernement autoritaire, mais une action com- binée qui permettra aux sociétés réunies d’en- treprendre des œuvres de longue haleine.

L’anarchie sera donc organisatrice de sa nature  : l’anarchie, écrit Ranc interprétant Proudhon, c’est la dissolution du gouverne- ment dans un organisme naturel, c’est le contrat substitué à la souveraineté, l’arbi- trage au pouvoir judiciaire, le travail non pas organisé par une force étrangère, mais s’organisant lui-même, le culte cessant d’être une fonction sociale pour devenir adéquate aux manifestations individuelles de la libre conscience... C’est l’habitude invétérée de prendre l’homme pour guide et sa volonté pour loi, qui fait que nous considérons l’anarchie comme le comble du désordre et l’expression du chaos. Au rebours, disait Proudhon, dans une de ces formules para- doxales et retentissantes qu’il affectionnait, l’anarchie c’est l’ordre qui résultera de l’éli- mination successive et raisonnée de l’auto- rité sous ses trois aspects, politique, social et religieux, La plus haute forme que la so- ciété qui a commencé par le despotisme soit susceptible d’atteindre, résultera de l’union de l’ordre et de l’anarchie.

Mais, après avoir exposé la philosophie po- litique de l’anarchisme, il faut distinguer les anarchistes individualistes et les anar- chistes communistes. Les premiers qui se rattachent à l’école américaine de Boston, à Tucker, à Yarros, éditeurs de la revue Liberty, considèrent le système que nous ve- nons d’exposer comme un idéal encore fort

1. D’Eichthtal, Voir art. Socialisme.


ANARCHIE