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Page:Say et Chailley-Bert - Nouveau dictionnaire d'économie politique, supplément.djvu/213

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Il estime du reste (luc la liberté politique nesuflil pas, qu’elle n’est pas le hut unique ilu proférés, mais qu’elle est le premier ins- Irumont du progrtis social. Le grand fait social des temps modernes est l’accession des classes laborieuses dans la direction dos alTairos itubliqucs. C’est pourquoi l-ittré ne veut pas comparer les luttes sociales d’au- jourd’iiui aux luttes sociales de l’antiquité, aux guerres entre les riches et les pauvi’es. lit il a raison. La conception philosopiiiquc (lu monde était d’ailleurs diiïérente. Les pa- triciens étaient une aristocratie militaire, très nécessaire en ces temps où l’état de guerre était presque permanent, et la plèbe avait des esclaves. Ce sont là évidemment des diffé- rences capitales. MaisLiltiéne va pas jusqu’au bout de son analyse  ; il n’aperçoit pas, dans le monde industriel moderne, la fonction de l’entrepreneur, son utilité, et l’indispensable action qu’elle a sur le mouvement écono- mique.

Toujours fidèle à sa méthode de prudence, il ne >’’avance pas en prophète à travers la science nouvelle  ; il est l’ennemi des systè- mes tout faits. Aussi déclare-t-il que les «ru- diments )> qu’il expose n’ont pas d’adver- saires plus décidés « que ceux-là mêmes pour qui le socialisme a pris la forme d’un type systématique et idéalement conçu ». 11 y a là, en effet, antipathie naturelle qui vient de ce que les deux méthodes s’excluent. La situa- tion faite au socialisme par l’évolution his- torique, quoique certaine et sûre, n’est pas comparable aux grandioses promesses des réformateurs, aux rêveries d’où sont sortis le communisme, l’égalité de répartition et le droit au travail. Que sont cependant ces vaines conceptions auprès « du moindre grain de mil de l’expih-ience » ?

Ces moindres grains de mil, ce sont pour Littré la coopération, la participation aux iM’uéfices et les sociétés de secours mutuels. On voit se dessiner le tempérament de Littré, tempérament d’homme versé dans les études médicales. Il préconise ces différents remèdes sociaux comme des moyens de hâter l’évolu- tion vers un état meilleur, les classant par ordre d’adaptation la plus facile. La coopé- ration est une forme d’éducation économique qui réussit moins que les sociétés de secours mutuels, parce qu’elle est une forme plus complexe d’association. Herbert Spencer a, depuis, donné les mêmes raisons pour expli- ([uer l’extension difficile de la participa- tion aux bénéfices. .Mais Littré, tout en criti- (juant avec un sens très juste l’action de ces remèdes empiriques, néglige complè- tement ce qu’on pourrait appeler l’hygiène sociale, ce développement lent de l’expé-


rience des individus dans la lutte commer- ciale et industrielle. L’influence prépondé- rante du commerce, du crédit, lui échappe parce qu’il a les yeux fixés sur ces expériences de laboratoire, si l’on peut s’exprimer ainsi, qui s’api>ellent la coopération et la partici- pation aux bénéfices. Il est par ses déclara- tions réitérées partisan de la liberté du travail  ; cette expression néanmoins ne vient pas sous sa plume. Peut-être a-t-il cru que c’était là un système, alors que la liberté du travail est une abstention raisonnée, dictée par la prudence, par une défiance scienti- fiijue des systèmes, des remèdes mirifiques du socialisme.

Cependant Littré — qui soutient en cela les idées de l’auteur anglais Thornton — ne semble pas avoir une conception nette de la détermination des prix par la loi de l’offre et de la demande. On croirait que lui, le con- tempteur implacable de toute méthode exclu- sivement déductive, il admet un prix idéal, un vrai prix, que la loi de l’offre et de la demande ne fixerait pas toujours. Il n’enire- voit pas les perpétuelh’S oscillations dos prix, causées parces deux forces rarement égales, éminemment variables, quisontles éléments delà puissance productive et les besoins éco- nomiques de la société. La loi de l’offre et de la demande ne s’exercerait, à son avis, que si <oî<^e.s choses offertes se trouvaient connues absolument de tous ceux qui les demandent, et réciproquement. Autant vaudrait dire que la loi de la pesanteur ne s’exerce que lors- qu’un corps tombe dans le vide. L’idée de relativité nous conduit pourtant à considérer les effets de la pesanteur dans des conditions qui sont loin d’être idéales, à en tirer des déductions et des lois mécaniques. On peut tendre à diminuer le frottement  ; à le suppri- mer, jamais.

Cette relativité est malgré cela dans l’esprit du philosophe. Il y est ramoné par la mé- thode positive, lorsqu’après avoir signalé les deux conditions prépondérantes du dévelop- pement social, la condition historique et la condition biologique, il analyse rapidement cette dernière. La condition biologique est l’inégalité naturelle entre les individus. Quoi qu’on fasse, on n’échappera pas à la supériorité de la force, de la santé, du talent, du génie  ; il faut accepter cette inégalité, « régula- riser )’ les conditions biologiques. Quant à la condition historique, elle est dans la valeur de plus en plus grande que prend l’individu des classes laborieuses, parl’égalité dosdroits, par le progrès de son éducation, par le prix accordé au travail  : c’est la tendance cou- rante de l’histoire.

De ces critiques Littré tire la définition


MANGOLDT