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Page:Say et Chailley-Bert - Nouveau dictionnaire d'économie politique, supplément.djvu/219

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MIIILISME


(Ti’sl pourUuit sous son rè^’nc (juo les idées lùvoliilioniuiiros s’accenluùrenl lu plus et que s’uiiiroat les tlilTéronts groupes j)iogrcssistes.

C’est eu elTet à cette époque que parurent lis plus vives critiques de l’organisation so- ciale et que se lit jour un mouvement d’idées dirigé à la fois contre le gouverne- ment et la société. De brillants écrivains, Tc/iédrine et Nehrasaoïo, entre autres, appor- Irrent à l’opposition le secours de leur talent.

Ici, commence la seconde période. Ce qui la caractérise c’est qu’elle place la question aijraire au jtrcmier plan et que ceux qui tiennent la tète du mouvement, s’inspirent des idiilosophes et socialistes français et alle- manils dont les œuvres ])énètrent en Russie.

La question de l’émancipation des serfs prime toutes les autres revendications poli- tiques, bien que ceux qui la réclament la rat- tachent à l’introduction, en Russie, du ré- gime constitutionnel.

Duuant cette période, les événements de 1848, les (euvrcs des théoriciens socialistes étrangers donnent à l’esprit d’oiiposition une force nouvelle.

Von aime à chercher dans ces œuvres la justitication de doctrines égalitaires.

De tous ces auteurs, le plus en honneur fut certainement Hegel (V. ce nom). L’in- lliicnce qu’il exerça sur le nihilisme russe ne fui pas moins grande que celle qu’il eut sur le socialisme allemand. Il était de mode de le commenter dans les salons de Moscou  ; de petits cénacles se formaient dans lesquels le passe-temps favori était d’étudier les œuvres du philosophe. Le salon d’un riche seigneur, Stankevitch, fut longtemps le lieu de réu- nion des plus enthousiastes parmi les hégé- liens  : llerzen, Bakounine, Pissemsky, Tour- guenew, Hilinsky, etc. Nulle part Hegel ne fut plus en faveur qu’en Russie. Ainsi que l’a fait observer un historien du nihilisme, « la doctrine hégélienne de l’évolution historique lit naître la tliéorie si iiniiortante dans la suite, du panslavisme, de l’avenir grandiose réservé au peuple russe affranchi, d’une su- prématie européenne de la race slave ’ ».

Après ce qu’on pourrait appeler la crise de l’hégélianisme, la jeunesse russe alla cher- cher ses inspirations dans les œuvres de Darwin, Buchner, llœkel et Moleschott. Ces diverses influences donnèrent naissance au niliilisme proprement dit. Parmi les mem- bres de l’opposition, les uns ne veulent plus

I. C. 0\^\c\\Wl•g, Dcr russisclie nihilisiint.t. Leipzig, 18SS.

— On pout consulter sur l’iiitluence il’He> ;i’I eu Russie  : Fuuck-Brenlano, Sophistes allemiinds et )tikilistes russes.

— C. Courrière, Histoire de la littérature contemporaine en Bussie.


se contenter de lutter contre l’alisolutisrac, mais désinmt obtenir une sérii’ de réformes démocratiijues etélargir leur champ d’action, tandis (jue les autres refusent de les suivre dans cette voie. A la tète des premiers se trouvent les véritables initiateurs du mouve- ment nihiliste proprement dit  : Herzen et TchernicheiisI  ;  ;/.

3. Le nihilisme proprement dit — Alexandre Herzen et Nicolas Tchernichewsky.

Cependant l’opposition n’avait fait que grandir et devenait de plus en plus mena- çante  ; les désastres de la guerre de Crimée avaient provoqué le mécontentementgénéral.

Le successeur de Nicolas l’^’", Alexandre H, céda au mouvement populaire et entreprit une série de réformes. Obéissant au courant réformateur que la presse libérale, et notam- ment Tchernichewsky, avait réussi à créer, Alexandre II prit l’initiative d’une importante réforme en prononçant l’affranchissement des serfs (1861). L’ukase de 18G1 n’était pour- tant qu’un leurre, car des mesures vexa- toires, des formalités compliquées limitèrent les bienfaits qu’une telle réforme^ pouvait apporter, .\ussi les progiès du nihilisme ne furent-ils pas enrayés  ; sous l’influence de Herzen et de Tchernichewsky il allait prendre un rapide essor.

Nous devons interrompre un instant le ré- cit des événements pour indiquer quel fut le rôle joué par ces deux hommes.

Alexandre Herzen fut un des écrivains les plus éminents de son époque  ; critique de ta- lent, brillant romancier, c’est surtout comme publiciste qu’il exerça une grande influence sur la jeunesse de son temps -’. Dans ses a^uvres, il avait saisi très nettement le carac- tère économique de la lutte des classes, et il appartenait à cette génération de penseurs pour lesquels le radicalisme démocratique ne présentait pas une différence trop mar- quée avec les tendances de Marx et d’Engels. Tout en se déclarant» socialiste impénitent», il s’appuyait sur l’opposition politique et libé- rale. <^ VÉtoilc polaire », « la Cloche » qu’Her- zen fit paraître aA’ec Ogarew, et plus tard avec Bakounine (V. ce nom), soutenaient des théo- ries libérales. C’est sous l’influence de Bakou- nine que « la Cloche » devint une feuille révo- lutionnaire et anarchiste.

Mcolas Tchernichercsky est celui de tous les publicistes russes qui eut le plus de part dans le mouvement d’opinion qui aboutit à l’émancipalion des serfs. Son œuvre la plus

1 . Consulter sur ce point  : Journal des Economistes, avril 1 SSi.

i. lieruc des Deux-Mon’Ies. 1" juillet J8o4, articles de M. Del aveu sur Herzen.


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