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Page:Say et Chailley-Bert - Nouveau dictionnaire d'économie politique, supplément.djvu/250

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CLASSES)


corvée, Frohnden, Robot en Autriche, devient une prestation si considérable qu’elle rend parfois le paysan presque esclave  ; les en- fants sont astreints à servir sur la grande forme moyennant un salaire très maigre  ; il faut une permission pour se marier  ; le droit d’hériter est parfois limité  ; et les lils sont obligés de prendre des fermes sous des con- ditions très dures. La dépendance est en re- lations étroites avec la race, et le mot es- clave, Sclave, s’identifie même avec le nom de la race slave. La dépendance est la plus grande là où la population slave domine  : dans la partie de la Poméranie où elle s’est retirée en grande partie après en avoir aban- donné les autres régions, le Pommerellen, dans lo Mecklenbourg, et dans la partie sep- tentrionale de l’est du llolstein, appelée comme le grand duché du même nom, l’Ol- denbourg. Dans la monarchie prussienne, il y a encore de grandes différences  : l’ancienne Marche de Brandebourg, TAltmark, à gau- che de l’Elbe et colonisée la première, par- tage plutôt la situation des autres parties de l’Allemagne  ; l’état des paysans devient très pénible entre l’Elbe et l’Oder, pire encore dans les Marches au delà de l’Oder et dans la Poméranie et tombe enfin au plus mauvais degré dans les pays polonais échus à la cou- ronne des princes du Brandebourg.

Ce qui empire la situation, sinon tou- jours, du moins très souvent, c’est le droit de plus en plus précaire des paysans sur la terre. Nombre de gouvernements allemands depuis la fin du xvi^ siècle, et la monarchie prussienne surtout au milieu du xviii% s’oc- cupent de maintenir artificiellement la classe paysanne, et contribuent par là à la division du peuple en classes et à l’arrêt du progrès économique. Il faut cependant convenir que là où il n’existe aucune entrave semblable, dans la Poméranie suédoise, y compris l’Ile de Rùgen, dans le Mecklembourg et, pendant quelque temps, dans le Holstein oriental, la situation des paysans devient la plus dure. On cite dans la Poméranie suédoise des exemples, pourtant isolés, de ventes des paysans en dehors de la terre, ainsi que, dans la Prusse orientale, de prétentions des sei- gneurs sur toute la propriété mobilière des paysans. C’est une situation qui est cepen- dant le plus souvent traitée avec des pré- ventions par les auteurs allemands peu libé- raux. D’ordinaire, le servage, même dans la partie de l’Allemagne à l’est de l’Elbe, n’est nullement un état d’esclavage dans lequel la personne etles biens appartiennent au maître. Légalement, la situation est même ici le plus souvent signalée comme Unter- hdniQkeit, situation d’un sujet, et l’essentiel


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y est aussi, hors des caractères du droit à la ferme, l’obligation pour los jeunes gens de servir comme domestiques, plus tard celle de la corvée, enfin la nécessité de demander la permission de se marier et l’obligation do rester sur la propriété. Dans la monarchie Habsbourgeoise, on rencontre des différences analogues. Le mot Obrighcit, gouverneur ou administrateur politique, devient même le synonyme de grand propriétaire, et le mot Ei’buntcrthdnigkcit est employé, comme en Prusse, pour la dépendance même à titre privé des paysans. Et, là aussi, la situation très dépendante, dans les pays slaves ainsi que dans lapins grande partie de la Hongrie, est intimement liée à la race et à la diffé- rence de race qui existe entre maîtres et serfs.

Une entière liberté ne s’est conservée que dans les Alpes, surtout en Suisse  ; sur les bords de la mer du Nord, dans le Ditmarsch, les marais de Brème et la Frise  ; elle s’est bientôt rafTermie dans les Flandres et autres parties des Pays-Bas  ; et elle a, enfin, tou- jours régné dans toute la péninsule Scandi- nave. On n’a aucune explication complète du phénomène remarquable d’une dépendance spéciale qui s’est développée dans l’île danoise de Séeland, ainsi que dansles petites îles adja- centes, le Vornedskab  ; on dit de même, dans certaines régions allemandes, que le paysan est in Gewcre du propriétaire  ; ces mots, qui signifient « protection», arrivent à désigner la dépendance. On se demande s’il serait une continuation de l’ancien esclavage, dis- paru d’ailleurs dans le xii" siècle, ou même s’il y aurait eu, dans ces îles, une ancienne conquête inconnue de l’histoire, dans le vi’= siècle ou antérieurement  ; ou encore s’il n’y a pas là une imitation de la situation qui était celle des parties voisines de l’Allemagne, d’origine à demi slave. Il est vrai que tous les pays du littoral méridional de la Baltique, jusqu’à la Russie inclusivement, ont institué, précisément à cette époque, un état de dure dépendance pour les paysans. Cette dépen- dance séelandaise fut abolie en 1702, mais seulement pour être remplacée, et dans tout le Danemark, par l’obligation de rester sur les propriétés seigneuriales jusqu’après le service militaire.

Dans le Danemark, comme dans beaucoup d’autres pays, la misère paraît due pendant la première moitié du x\iW siècle surtout aux exigences énormes de l’État  ; la taxation dé- truit toute la valeur des terres. On se rappelle, pour la France, les descriptions faites par La Bruyère, Saint-Simon etMassillon, de la situa- tion des paysans.

Dans la Poméranie suédoise et dans le Mecklembourg, l’élat de servage va si loin


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