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Page:Say et Chailley-Bert - Nouveau dictionnaire d'économie politique, supplément.djvu/266

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côté, et la pauvreté, de l’autre, mais aussi dans le caractère des exploitations, dans leur superlicie, en un mot dans l’ensemble du système. Si l’on se demande d’où vient la situation malheureuse des riches régions du Midi, comme l’Andalousie et la Sicile, il ne sulTit pas de parler des latifundia, des grands propriétaires vivant dans les Ailles et de l’abandon des pauvres cultiva- teurs, et si l’on cherche des remèdes pour relever le peuple, il faut de toute nécessité y comprendre tout ce qui concerne le déve- loppement humaiu. Il en est de même si l’on compare, aux États-Unis, les farmers du Nord et les classes du Sud composées des anciens planteurs, c’est-à-dire de blancs pauvres et de nègres. On retrouve le même enseignement quand on étudie les fortes co- lonies formées par la fleur des anciennes colonies, telles que la Californie avec ses f armera de première classe, ou si, en Europe, on compare les trois classes rurales de la Suède, du Danemark et de la Norvège avec les trois classes du Brandebourg ou les deux de la Russie. On le retrouve encore si l’on fait, par exemple, la comparaison entre les grands propriétaires, les fermiers et les ouvriers ruraux de la Grande-Bretagne avec la société rurale de la France. Tout cela est si complexe, qu’on préfère souvent s’en tenir à des vues générales, plutôt que d’en analyser à fond les divers éléments. En comparant les périodes et les pays, on constate que la richesse ou la pauvreté générale, à elles seules, suffisent à expliquer la plupart des particularités observées. Il n’en est pas moins vrai que la richesse dépend du développe- ment personnel plus que de toute autre chose.

12. Politique des gouvernements.

Une seule et même aptitude cn’e un boa gouvernement et une boune agriculture. — Idées générales, leur origine en France. — L’ensemble des réformes. — Dépendance personnelle. — Prusse. — Vestiges du servage, provinces baltiques, Mecklembourg. — Autriche, Hongrie, Galicie. — Russie, Pologne. — Projets qui ont pour but d’arrêter la mobilisation des terres. — L’iufluence du développement général sur les esprits. — Droits de mutation. — La conso- lidation et l’échange des unités parcellaires. — La liberté, le résultat le p’us considérable.

Montesquieu dit avec beaucoup de raison que les pays les plus riches ne sont pas les plus fertiles, mais bien ceux qui possèdent le meilleur gouvernement  : l’Angleterre, par exemple, les Pays-Bas, la Suisse, sont plutôt pauvres au point de vue naturel, leur sol est moins fertile, ou tout au moins ne peut pro- duire sans effort de travail, et leur climat, enfin, est peu favorable. Mais, dans un grand nombre de cas, il est assez difficile de dire si c’est réellement le gouvernement qui crée la


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bonne agriculture  : iiresque toujours, elle est due certainement aux elTorts individuels. C’est plutôt une seule et même aptitude d’un peuple qui crée ces deux ordres de choses, un hon gouvernement cl une tonne ayricullurc. .Mais il est vrai que les fautes des gouvernements et surtout les guerres désastreuses qu’ils entreprennent peuvent ruiner totalement un pays, et même pour des générations  ; il n’y a, pour s’en convaincre, qu’à se reporter aux résultats néfastes qu’entraînèrent pour l’Alle- magne la guerre de Trente-Ans et pour la France les guerres de Louis XIV.

Quoi qu’il en soit, il est du plus grand intérêt de suivre la politique des gouverne- ments, et surtout, puisque tel est ici le but de nos préoccupations, leur politique en ce qui concerne les questions rurales  ; il est regret- table que nous ne puissions le faire avec plus de loisir. En suivant les détails de cette poli- tique, on y voit, d’une manière frappante, l’empreinte qu’y déposent, à chaque époque, les idées générales qui sont alors régnantes, surtout celles qui prennent leur origine en France. Ces idées, dans la seconde moitié du xviii<^ siècle, sont libérales et progressistes jusqu’en 1789  ; elles commencent, vers la moitié du même siècle, à s’occuper du côté purement économique  ; plus tard, lorsque les grands principes viennent à s’imposer, elles s’étendent à la situation des personnes  ; sous la Révolution, elles se font plus révolu- tionnaires. En dehors de la France, elles dominent là surtout où pénètrent les armées françaises  ; dans la période suivante, elles revêtent plus de modération, et parfois même témoignent d’un esprit non plus progressiste, mais plutôt réactionnaire  ; elles prennent un nouvel essor après 1830, et deviennent, en 1848, de nouveau radicales. C’est là une tendance que l’on constate aussi dans les grandes encyclopédies. Par exemple, pour l’Allemagne du xix« siècle, l’Encyclopédie de Hotteck et \N"elcker est empreinte des idées radicales de la Révolution  ; celle de Bluntschli est sincèrement libérale, et la plus récente, celle de M. Conrad et coéditeurs, œuvre d’ail- leurs excellente, accuse bien, sous plusieurs rapports, la tendance de nos jours, qui est plus rétrograde que libérale.

Parfois, certaines idées particulières re- viennent, à différentes époques, d’une ma- nière curieuse. Celle des physiocrates était d’imposer exclusivementla terre, tandis qu’ils voulaient — avec la plus grande raison — rendre absolument libres toutes les transac- tions commerciales. Or, c’est là une idée que l’on retrouve chez l’économiste américain Henry George et ses disciples. Dans la plus grande partie de l’Europe, l’abolition des


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