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Page:Say et Chailley-Bert - Nouveau dictionnaire d'économie politique, supplément.djvu/273

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CLASSES)


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UIK.VLES (CLASSES)


classes, et tout ce qui s’y rattachait, s’est le mieux effacée, l’une des entraves les plus sérieuses à la circulation des biens, est le taux élevé des drûils de mutation, s’élevant souvent jusqu’à 10 p. 100 de la valeur de la terre. Un pareil impôt apporte un grave obstacle à d’utiles transactions et empêche que les terres n’arrivent dans les mains de ceux qui sont les plus capables d’en tirer bon parti.

Ajoutons d’aiUeurs, qu’en dehors de la libération des personnes et des terres, il y a eu de véritables réformes à accomplir. C’est ainsi que, dans ces dix dernières années, on a pris, dans l’Allemagne occidentale, y com- pris l’Alsace et la Lorraine (en 1890), d’utiles mesures, par la consolidation et l’échange des petites parcelles éparses appartenant au même propriétaire. C"est ce qu’on appelle le « nettoyage des champs », Flurberciniyung, là où cette opération ne porte que sur l’an- cien grand champ commun du village. Dans un pays comme la Bavière, on estima, en motivant une telle loi en 186i, qu’on pou- vait, par là, augmenter la valeur des terres de plus de 100 millions de tlorins. Pourtant, le plus souvent, c’est encore en vue d’intro- duire une plus complète liberté qu’il y a lieu de légiférer.

Nous nous bornerons ici à cette remarque très générale que la lHjcrté dans la distribu- tion des terres et pour la forme de la posses- sion, a le plus souvent pour edet de placer les terres dans les mains de ceux qui peu- vent en tirer le résultat le plus considérable  ; elles vont là où elles ont la plus grande valeur. Toutes les circonstances, quelles qu’elles soient, trouvent leur expression dans la valeur, et il y en a un grand nombre  : ainsi toutes celles dont nous avons parlé, concernant l’étendue, le genre de culture, la nature des terres et du climat, la capacité et la distribution des capitaux dans le peuple  ; il en est de même pour la forme de posses- sion. Nous avons parlé des risques extra- ordinaires, pour la viticulture, par exemple, ou des risques particuliers dans un pays neuf, comme l’ouest des États-Unis  ; même pour l’agriculture ordinaire, la pénurie des capitaux peut faire du métayage, d’ailleurs arriéré, la forme la plus acceptable. Le plus souvent, l’exploitation par le propriétaire est ce qu’il y a de plus avantageux. « Le pro- priétaire traite la terre comme sa fidèle épouse  ; pour le tenancier, c’est une maîtresse temporaire », a dit Thaér, le grand agronome allemand. « Donnez à un homme un rocher comme propriété, il le changera en un jardin  ; donnez-lui un jardin en fermage pour neuf ans, il le changera en désert, » disait Arthur


Yuung,lors de son voyage en France. D’autre part, là où, comme en Angleterre, la richesse recherche la propriété terrienne à un tel degré qu’elle se contente d’un loyer de 2 à 3 p. 100, ce fait suffit pour rendre le bail à ferme plus profitable pour l’agriculteur habile  ; il reçoit un intérêt plusieurs foisplus élevé du capital qu’il emploie dans rfX[)Ioitation. D’autre part aussi le petit cultivateur, qui se contente souvent, dans les autres pays, de recevoir un très faible intérêt ! il n’est pas assez habile pour obtenir plus), a trouvé, en Angleterre, avec le grand développement industriel et colonial, plus avantageux d’aller dans les villes ou dans les colonies. Tout cela s’est produit, selon les circonstances, et grâce à la liberté qui permet à toutes les forces de se développer. La liberté a largement contri- bué, en règle générale, au développement, en créant de nouvelles formes intermédiaires entre les classes fixes que nous avait léguées le passé de notre vie et de notre législation. Elle supporte des exceptions, surtout quand il faut tenir compte d’un développement antérieur particulier  ; mais là même où l’on a été forcé, par la législation antérieure, de légiférer, on n’a que bien rarement pu obtenir les mêmes résultats qu’en laissant les forces économiques à leur libre jeu.

On ne saurait imaginer, en effet, des entra- ves ne causant aucun mal. Si l’on se fait, à cet égard, quelque illusion, c’est que presque toujours on omet d’aller au fond des choses, qui est  : le bonheur des hommes. On se laisse séduire par une autre considération  : organiser la propriété ou les formes de possession terrienne de telle ou telle façon préconçue. On fait passer la terre avant l’homme.

D’autre part, quand une population rurale se trouve en état de stagnation, c’est presque toujours parce qu’on a gêné son développe- ment normal. Tantôt elle aurait dû émigrer ou bien entrer dans d’autres industries. Tantôt on a arrêté le développement na- tional du peuple en superposant une classe supérieure à une autre classe sans les amal- gamer. Parfois, en effet, la liberté doit conduire à des développements nouveaux, qu’il ne faut pas entraver  ; mais il n’est pas possible qu’un peuple se développe sans la liberté. Et, parmi les diverses libertés éco- nomiques, il n’en est pas qui ait plus d’im- portance que celle de l’agriculteur. L’activité agricole crée l’indépendance individuelle  ; plus que toute autre, elle se refuse à la con- centration dans les villes ou ailleurs et à la constitution des grands monopoles  ; mais plus que toute autre aussi, elle a besoin d’être affranchie. La première condition de


SAUMÂ