Page:Say et Chailley-Bert - Nouveau dictionnaire d'économie politique, supplément.djvu/31

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NAUCIIII- : —

pour agiter le spectre rouge, nieiitùt con- damné, ce journal fut remplacé par r£7c>i- dard l’étolutionnuirc et le Droit social. La légion anarchiste comptait en 1882 une centaine de personnes. Régis Faure se plai- gnait, à celle <lato, que ses brochures ne s’écoulaionl pas. Pourtant, celte propagande, f^ucore si restreinte, portait ses fruits. En août éclataient les troubles de Montceau-les- Mines ; l’église de Hois-du-Verne était djna- milée et incendiée. Les compagnons se proposaient de donner d’abord le branle aux campagnes dépourvues de policiers et de soldats. Le 21 octobre, une explosion dans .’e café de nuit du théâtre Bellecour, signalé comme le lieu de rendez-vous des filles et des bourgeois viveurs, blessait deux ouvriers et en tuait un troisième  ; une bombe avait été de même déposée devant le bureau de recrutement. Cyvoct, l’auteur de ces atten- tats, fut le premier en France à exercer cette tactique guerrière. Les événements de Monlceaii avaient attiré l’altentioa du gou- vernement  : soixante-six individus, accusés ’l’apparlenir à une société internationale, turent traduits devant le tribunal correc- tionnel de Lyon. Le procès de 1883, les discours des accusés fournissent un docu- ment à consulter pour l’histoire du parti. Emile Gautier, lequel depuis a quitté la secte, compare, dans sa défense, les anar- chistes au Christ qui a prêché l’égalité et maudit les propriétaires. Avec Bordai, Kro- potkine et d’autres, il fut condamné à la prison. En France comme en Belgique, les anarchistes se joignent aux socialistes pour fomenter les grèves, et revendiquent les actes de violence, tels que l’assassinat de Watrin à Decazeville (26 janvier 1886). Citons encore les explosions devant le Palais de Jus- tice de Lyon en 1887. Les hauts faits de Hava- «•hol et de sa bande ont terrorisé Paris de mars à mai 1892. Il a fallu le plébicide de Vaillant contre la Chambre des députés pour obliger le gouvernement à prendre des mesures de sa- iulcontre une véritable épidémie de meurtres. Aucun pays n’est à l’abri de la propagande. La Suisse semble mieux faite pour résister a’i socialisme et à l’anarchisme, grâce à ses institutions, à l’absence de grande industrie et de grandes villes, à une distribution du sol et des richesses qui exclut les contrastes extrêmes. Les exilés, auxquels elle accordait un refuge, répandaient surtout leurs idées au dehors. Mais la police se montre aujour- d’hui plus rigoureuse. Un projet de loi (décembre 1893) menace de peines excep- tionnelles les détenteurs et les fabricants d’explosifs, et quiconque provoque au renver- sement de l’ordre politique et social. Les

SUPPLÉMENT.


— A.NAl(( ;iill- :

héros de la dynamite ont dû Itansporter à Londres leur (juartier général. La police an- glaise, lors d’une descente toute récente à leur c\uh Autonomie,}- a. retrouvé des représentants de toutes les nationalités, des Allemands et des Français en plus grand nombre et pas un Anglais. Jusqu’ici ils n’ont recruté en Angleterre qu’un petit nombre d’adhé- rents ’. Positifs et pratiques, la grande masse des ouvriers anglais s’attache aux ré- formes économiques plutôt qu’à des chimères.

Ce sont les socialistes qui, en Allemagne, où ils sont si unis, si disciplinés, n’ont cessé de combattre l’anarchisme avec une extrême vi- gueur, dès qu’il a commencé à se répandre vers 1878. Most en était l’initiateur. Démocrate so- cialiste extrême au début, il voulait que le parti renonçât à l’agilation légale, pour se consacrer uni(iuement à l’action révolution- naire. Il fut exclu du parti ainsi que Hasselmann au congrès de Wyden, en 1880. Depuis, divers congrès ont de nouveau répudié solennelle- ment toute solidarité avec les anarchistes, et condamné leurs doctrines individualistes, leur tactique de violence. Finalement, à Krfurt, en 1891, les jeunes socialistes, suspects de partager cette hérésie, ont été jetés hors l’Église. Piéduits à de petits groupes, les anarchistes ont entrepris quelques complots. Ilœdel et Nobiling, qui tirèrent sur le vieux Guillaume, n’étaient pas des leurs, mais ce furent quelques compatjnons qui tentèrent de faire sauter la famille impériale, lors de l’inauguration du monument du Niederwald (28 septembre 1883). Après l’exécution de ReinsdorfT, le cordonnier Lieske perçait de coups de poignard le docleur Rumplf, con- seiller de police à Francfort, eu manière de représailles (1" juillet 188o).

L’Autriche n’a pas échappé à la contagion où elle a sévi plus violemment qu’en Alle- magne. Vers 1882, de nombreux groupes s’y formèrent et enlevèrent des partisans à la démocratie socialiste. Le sectaire le plus in- teUigent et le plus ardent était le peintre Peukert, qui demandait des pleurs et des grincements de .dents chez toute famille bourgeoise, pour une seule larme répandue dans une famille d’ouvriers. Le parti se signala bientôl par des vols et des meurtres. Il fallut, pour y mettre lin, édicter des lois draconiennes. Quiconque répandait le journal de Most, Die Freifieit, encourait une peine de dix à quinze années de prison. Obligé de fuir, Peukert se réfugiait à Londres  ; les rivalités, les violentes querelles qu’il eut avec d’auties meneurs font mal au- gurer de cette harmonie entre les hommes

I. On a pourtant complu en Angleterre, de ISSl à lSfl3, 88 explosions.

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ANARCHIE