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Page:Say et Chailley-Bert - Nouveau dictionnaire d'économie politique, supplément.djvu/39

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— 5.n —


ANTISÉMITISME


dites s’éteignaient, maigre qu’on judaïsàt encore dans l’ilgiise.

LÉglise armée, l’antijudaïsme se précisa, s’aggrava ; d’abord simplement Ihéologique, il devint plus dur. A côtt- des écrits survinrent les lois, avec les lois les mani- festations populaires se produisirent. Les apologies s’éteignirent, on ne considéra plus le juif comme un chrétien possible, mais comme un ennemi ; on cheicha à ou- blier les origines judaïques. Si on écrivit contre les juils, on mêla aux arguments les insultes, et celles-ci prédominèrent. Eu- sèbe de Césarée, saint Augustin, saint Am- broise, saint Jérôme, saint Chrysostome cou- vrent les juifs d’injures. On trouve dans leurs écrits ce mélange de raisonnement et d’apostrophes, de persuasion et de violence qui est resté pendant des siècles le propre de la prédication antijuive.

Les Juifs étaient vers le iv« siècle, les seuls ennemis dangereux de l’Église, ou du moins les seuls qui n’eussent pas abdiqué devant elle ; ils étaient les adversaires dont il fallait affaiblir la propagande. L’Empire aida rÉglise ; Constantin, et surtout ses succes- seurs promulguèrent des lois contre les juifs, lois restrictives du prosélytisme, lois tracas- sières et vexatoires contre le culte juif el les droits civils d’Israël. Les moines et les évêques excitaient les populations chré- tiennes à la fois contre les derniers païens el les juifs ; en même temps qu’on massacre Hypathie et qu’on brûle les bibliothèques d’Alexandrie, on tue les juifs, et on incendie les synagogues, à Rome, à Antioche, etc.

Quand l’empire romain s’écroula, les juifs furent encore soumis à la loi romaine que les souverains germains appliquèrent à leur gré. Du v« au viii« siècle, le bonheur ou le malheui- des juifs dépendit uniquement de causes religieuses qui leur étaient extérieures, el leur histoire parmi les barbares est liée à l’histoire de l’arianisme. Tant que chez les Ostrogolhs, chez les Burgondes, chez les AVisigoths, en Italie, en Gaule, en Espagne, les doctrines ariennes prédominèrent, les juifs vécurent dans un relatif bien-être, car l’orthodoxie el l’hérésie luttant l’une contre l’autre se soucièrent peu d’Israèl. Sitôt l’ortho- doxie victorieuse, elle s’appliqua à séparer les juifs des chrétiens, el légiféra contre le judaïsme dans ses synodes, législation que corroborèrent les édils des rois mérovingiens ou wisigothiques. Pendant les sept premiers siècles de l’ère chrétienne l’antijudaïsme eut des causes exclusivementreligieuses. A partir du vn* siècle les causes sociales vinrent s’ajouter aux causes religieuses et les véri- tables persécutions commencèrent.


L’antisémitisme du vin’-’ siècle à la Réfurme. — Au vni« siècle, l’Église acheva de se consti- tuer, le christianisme s’étendit el à la fin du vni« siècle, l’Europe fut chrétienne. Les juifs s’établirent dans tous les pays en mèmf^ temps que se répandit le christianisme. Au xn’-’ siècle ils avaient partout organisé leurs communautés, restant en dehors des agita- tions au milieu desquelles se conïtituaienl les nationalités, groupés autour de leurs svnagogues, tandis que conquérants et con- quis s’amalgamaient el se liaient entre eux. Dans ce monde nouveau que pétrissait l’Église, les juifs s’opposaient par leur prosé- Ivlïsme ou même parleur seule présence, au mouvement général. Aussi c’est de l’Église que partit l’antijudaïsme théorique et légis- latif, antijudaïsme que les gouvernements et le peuple partageaient et que d’autres causes vinrent aggraver.

Ce fut, toute chose changée, la même situation que dans l’antiquité juive. L’ordre social étant fondé sur le christianisme, les juifs en étaient considérés comme les enne- mis ; de plus, dans les tendances des États nouveaux à l’homogénéisation, les juifs étaient des étrangers irréductibles. A ce moment de l’histoire le combat confessionnel et le combat national se confondirent.

Le rôle économique spécial des juifs rendit ce combat plus terrible. Peuple de colons, les juifs suivirent la loi générale des immigrés en s’adonnant au commerce dans tous les pays oîi ils s’établirent. Quand l’Église, des ses origines, eut condamné le prêt à intérêt, lorsque se fut élaborée la conception catho- lique du capital et de ses fonctions, concep- tion à laquelle s’opposa l’état social pendant lequel se constituèrent le patronat et le sala- rial, les juifs, libérés des entraves que le droit canonique et les prescriptions ecclésiasti- ques mettaient au développement du capital, les juifs, ainsi que certaine classe de réprou- vés, les Caorsins et les Lombards, s’adon- nèrent à l’usure. Ce sont des motifs extérieurs à eux qui les menèrent à celte situation de prêteurs sur gage, de changeurs et de ban- quiers. L’autorité ecclésiastique les encou- ragea dans cette voie et les bourgeois chré- tiens les y engagèrent en leur fournissant des capitaux et en se servant d’eux comme d’hommes de paille.

L’organisation chrétienne du capital indus- triel et commercial, la création des guildes et des corps de métiers, contraignirent le juif à l’état où l’avaient amené les conditions sociales, générales et particulières qu’il su- bissait. Devenu tel, l’horreur contre lui augmenta. Il fut non seulement le déicide, mais l’usurier, le collecteur de taxes, l’op-


ANTISÉ