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Page:Say et Chailley-Bert - Nouveau dictionnaire d'économie politique, supplément.djvu/44

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préjugé, dans le peuple et la classe ouvrière. On pourrait objecter à cela que les protes- tants, par exemple, sont aussi une minorité solidaire, cependant l’anliproteslantisme ne sévit pas en France non plus que l’antica- tholicisme en Allemagne où les catholiques sont une puissante minorité. D’où vient donc ce traitement dont pâtissent les juifs"? C’est que, si catholiques ou prolestants en France et en Allemagne sont une minorité, ils sont une minorité nationale, tandis que les juifs sont considérés comme une minorité étran- gère, et nous nous trouvons en présence non seulement d’une lutte entre les formes du capital, foncier ou industriel, non seulement d’une concurrence entre les possesseurs capitalistes, mais encore nous assistons à un combat entre le capital national et un capital qui est regardé comme étranger.

4. Conclusions.

Ainsi les causes de l’antisémitisme moderne sont nationales, religieuses, politiques et éco- nomiques  ; ce sont des causes profondes, qui dépendent desjuifs.deceux qui les entourent, et aussi de l’état social. L’antisémitisme est le produit d’une action de l’exclusivisme national et d’une réaction de l’esprit conser- vateur contre les tendances issues de la Révolution, et tous les motifs qui l’ont pro- voqué ou conservé peuvent se ramener à un seul  : les juifs ne sont pas encore assimilés ; c’est-à-dire qu’ils croient encore à leur na-


tionalité. On peut doue conclure que l’anti- sémitisme disparaîtra, d’une part à mesure que diminuera cet esprit exclusif des juifs  ; d’autre part, en même temps que s’éteindra la croyance aux races et l’étroit patriotisme ethnologique. Les juifs bénéficieront de la di- minution de l’exclusivisme national, d’autant que cette diminution coïncidera avec l’affai- blissement de leurs caractères dislinctifs. En même temps que les juifs verront décroître les persécutions nationalistes, ils verront les causes économiques de l’antisémitisme dimi- nuer de puissance ; car, quand l’animosité contre l’étranger disparaîtra, le capital juif ne sera plus en butte aux attaques du capital chrétien. Il restera la concurrence indivi- duelle, et les animosités qu’elle engendre, mais cette concurrence s’atténuera ou sera même anéantie par telle modification du régime économique que nous ne pouvons prévoir.

Bernard Lazare.

Bibliographie.

Antisemiten-Spier/el, Uantzig, 189i. — Cesare Lombboso, L’ Antisemitismo e le Scienze moderne. Turin, 1894. — Encyclopédie des sciences religieuses (Supplémeut), article Judaïsme. — Isidore Loeii, Nouveau Dictionnaire de géo- grapliie uniuerselle, art. Juifs. — Réflexions sur les Juifs [Revue des études juives, t. XXVII, p. 1, 161  ; t. XXVIII, p. 1, 161). — Anatole Lehov-Beaulied, Israël chez les Na- tions, Paris, 1893, — Bernard Lazare, L’Antisémitisme, son histoire et ses causes. Paris, 1894.

ASSURANCES. — V. Police d’assurances.


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BAGEHOT (Walter), né en 1820, mort en IhTT, appartenait à une famille de ban- quiers de Langport dans le Somersetshire. Comme beaucoup d’autres économistes an- glais, il étudia les mathématiques, àrUiiiver- sity Collège de Londres. Ainsi que plusieurs hommes politiques anglais, il s’occupa aussi de théologie. Jeune avocat, il commença par écrire des essais dans les revues, cette forme de littérature qui tient une place si impor- tante en Angleterre, et que Bagehot continua à cultiver en maître pendant toute sa vie. C’est lors d’une visite à Paris, pendant la période du coup d’État, en 1851, qu’il écrivit cyniquement que « les Franrais ne sont pas assez stupides pour faire un peuple poli- tique », et que « tout Parisien aime qu’on lui cogne la tète pour en extraire le non-sens politique ». En 1852, il entra dans l’adminis-


tration, et prit bientôt la direction, de la banque de Langport.

En 18o8, il épousa la fille aînée de James Wilson, qui avait fondé la célèbre revue heb- domadaire, The Economut, pour servir d’or- gane au mouvement libre -échangiste, et lorsque James Wilson fut nommé ministre des finances du gouvernement des Indes, il lui succéda, à la fin de 1859, comme direc- teur de ce journal influent, dont la direc- tion resta sa principale occupation jusqu’à sa mort.

Il dit avec raison que Mill, d’un côté, élar- git l’économie politique et que, d’un autre côté, en tant qu’il en voulait faire une science nouvelle, il ne l’élargissait pas assez.

Bagehot était un excellent économiste. Il admettait que l’économie politique est une science d’abstraction qui n’émet que des


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