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lois liypolhétiques. Cdiiiiiif >ii- Chai lis l.yi’ll, dans la géologio, et plus lard, le disciple do celui-ci, Darwin, dans l’iiistoire naturelle, Magehot voulut aussi, dans l\’’conomie poli- tique, mettre de côlt5 les circonstances acci- dentelles pour arriver à dégager les effets des tendances principales. Les lois écononiiiiues agissent avec une grande force dans le liaut commerce ; c’est cela surtout que considé- raient les anciens économistes de l’Angleterre. Ils voyaient les forces productrices se mou- voir avec une grande lii)erté dans leur pays, tandis qu’elles trouvaient des entraves pour les transferts d’un pays à un autre. A l’heure actuelle, les capitaux sont également, en grande partie, en état de se mouvoir entre les pays ; le domaine de l’économie politique est, sous ce rapport, élargi. Bagehot com- prend bien l’évolution des nations.

Bageliot n’était pas extrêmement profond, et trop souvent son analyse n’était pas com- plète. Malgré sa grande connaissance de la vie pratique comme l)anquier, et bien qu’il l’eût attentivement observée comme rédacteur de YEcoiwinist, il n’était pas toujours aussi ren- seigné qu’on eût pu le souhaiter dans les ques- tions de monnaie et de linance. Son autorité était reconnue publiquement par des chan- celiers de l’Échiquier et par d’autres hommes d’État ; mais parfois aussi cependant il com- mettait des erreurs même assez graves  ; c’est ainsi, par exemple, qu’il contribuai décider le maintien de l’étalon d’argent aux Indes, alors que les grands Etats d’Europe adop- taient l’étalon d’or.

Il avait une grande force dans la descrip- tion. Son style était très vif, très serré, mais en même tem])s plein de comparai- sons et d’actualités. Son raisonnement était puissant et logique. Sa vivacité et sa bril- lante imagination rappelaient qu’il apparte- nait au Sud-Ouest où ne pi’édomine pas le sang saxon, si lourd.

Ce qui est bien anglais, il raisonnait d’une manière extrêmement radicale et mettait en pleine lumière les défauts d’une situation. Mais, dès qu’il était question d’agir, il était conservateur  ; il ne voulait pas de change- ments trop considérables ou trop subits. Il avait, de bonne heure, été sous l’inlluence de Stuart Mill, ainsi que de sir George Corn- wall Lewis, et sa manière d’écrire ressemble souvent à celle de Mill, avec le même raison- nement puissant, mais, comme celui de Mill aussi, manquant souvent de profondeur, et ne donnant pas toujours les résultats attendus. Prenons comme exemples quelques-uns de ses principaux écrits. Dans son livre, Phy- sicfi and Politics,de 1872, il est à la fois para- doxal et cyniquement sceptique. Il applique


aux sociétés poliliiiui’s la doctrine darwi- nienne de la sélection physique. L’habitude d’agir ensemble donne de la force ; c’est, dit- il, l’avantage de la stupidité anglaise. De nos jours, le n’-sultat sera lemême que dans ranti(iuité, alors que les Uomains subjuguè- rent les Grecs, beaucoup plus spirituels qu’eux. La croûte épaisse de l’habitude est, sous tous les rapports, nécessaire  ; les pro- grès ne doivent venir que lentement.

Dans son ouvrage paru en 1873, Lombard Sirect, description du marché monétaire de Londres, marché central du monde entier et ayant lui-même la Banque d’Angleterre comme centre, il ne nie aucunement la complète irratiunnalité de l’organisation de la Banque, si souvent mise en lumière par les économistes, mais il ne pense pas néan- moins à la transformer ; il accepte, au con- traire, la situation telle qu’elle est, avec le monopole de la Banque d’Angleterre et la sus- pension du Bank ad lui-même comme soupape d« sûreté, en temps de crise, et ne parle que d’une augmentation possible de la réserve. Il en est de même de son livre si intéres- sant sur la Coitsiitution aur/laisc, de 1867, traduit en plusieurs langues et adopté pour l’enseignement dans plusieurs universités. Il a le mérite de rompre entièrement, par ses ] iaradoxes,avec les anciennes formules super- ficielles de la division et de la balance des pouvoirs ; il est d’un secours incomparable pour l’intelligence de la réalité  : le pouvoir réel dans le Cabinet, ce comité, sans création légale, du grand Conseil intime, qui non seulement gouverne, mais qui est aussi res- ponsable du travail législatif ; la Chambre des Communes, comme corps d’électeurs du Cabinet, et exerçant sur lui un contrôle con- tinuel ; les Lords, comme simple chambre de revision, et ayant tout au plus le droit de demander un appel final au peuple  ; en- fin la couronne, forme importante, qui n’est pas sans exercer quelque influence. Mais, malgré tout ce qu’il y a de cynique dans sa description, il ne veut pas altérer ces insti- tutions ou ces méthodes de gouvernement par les partis, etc.  ; au contraire, il les dé- fend, en expliquant leur nécessité par la stupidité et les préjugés du peuple, son habi- tude de déférence pour la monarchie, le caractère encore pire d’une aristocratie d’ar- gent qui la remplacerait, etc. Il faut admettre qu’il a un peu trop du caractère scientilîque national  : une grande force et une grande originalité, excellant dans des points spé- ciaux et comprenant la vie réelle, mais man- quant un peu trop de systématisation, de profondeur, d’universalité.

Parmi ses autres écrits, on peut citer  :


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