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Page:Say et Chailley-Bert - Nouveau dictionnaire d'économie politique, supplément.djvu/58

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BOTERO


pour les proclamer à la face des iguorants, des incapables et des coquins qui spéculaient sur la ruine de la France. Il ne recula devant aucun danger pour être, comme il le disait, « Tavocat des peuples » et se fit parfois im- primer de façon clandestine â Rouen.

Son Détail de la France qui fut publié suc- cessivement sous trois titres ditlerents parut pour la première fois en 1695. Le Factum pam- phlet vigoureux était édité à Rouen en ITOG. Peu de temps après, Boisguilbert revient à la charge dans un Siipplcment. Ces deux der- nières publications, traduites devant le con- seil privé du roi, sont proscrites et l’auteur est exilé pour six mois en Auvergne. Son Traité sur les grains présente peut-être plus de précision que ses deux premiers ouvrages  ; il y traitait, en efTet, une question d’un ordre spécial. Cependant, son Détail de la France révèle davantage les qualités supérieures d’observation et de création chez Boisguil- bert. On assiste, en lisant cette partie de ses œuvres, à la genèse des idées de ce puissant penseur, et l’on ne peut s’empêcher de cons- tater combien l’observation est chez lui sûre et exacte. Les faits sont contrôlés et analysés avec un esprit sagace et qui met la vérité au- dessus de toute autre considération. Ce n’est donc pas à lui qui a eu « quinze années de forte application au commerce et au labou- rage, auxquels il est redevable de toute sa fortune » qu’il faudrait reprocher d’avoir raisonné a priori, en savant de cabinet.

Boisguilbert entra dans la magistrature en 1678, comme vicomte de Montvilliers. Le vicomte correspondait à notre tribunal de première instance et connaissait les affaires civiles entre roturiers. En 1690, il acheta la charge de lieutenant général civil au bail- lage, faubourg, ville, etc. de Rouen. On lui fit payer de lourdes taxes pour l’investiture, taxes qui furent renouvelées tous les dix ans, et accrues continuellement de nouveaux impôts ! A en croire son intendant, et comme on peut du reste s’en faire une idée en lisant ses œuNTes, Boisguilbert n’était pas né res- pectueux. Sa robe de magistrat n’assouplit pas son caractère, et il demeura fort mal vu dans son milieu — oii l’on ne soupçonna jamais sa supériorité morale et intellec- tuelle.

Il fut longtemps oublié. Voltaire lui-même, toujours à la recherche des idées originales, ou ne le connut point sous son véritable aspect, ou fut rebuté par la forme difficile de ses écrits. Il est aujourd’hui considéré comme l’un des plus sagaces précurseurs des économistes et tient, dans l’histoire de la science, la place qu’il mérite.

A.NDRÉ Liesse.


Bibliographie.

Détail de la France, Factum de la France, Opu’iculex divers dans la Collection des principaux Économistes, t. \", — Économistes financier.’! du iviii’ siècle (Guillaumia et C’*). .M. Cadet a écrit une vie de Boisguilbert (Guillaumin) d’un

réel niLuite.

BOTERO Jean 1340-1017], né à Bene dans le Piémont, fit ses études chez les Jésuites à Turin ; successivement secrétaire de saint Charles Borromée, archevêque de Milan, et ambassadeur à Paris du duc de Savoie, Charles-Emmanuel P’", il retourna en 1583 à Milan, oii il fut pourvu d’une prébende atta- chée à un canonicat de l’église Sainf- Ambroise.

En 1898 il publia à Rome son livre Délie cause délia Grandezza délia Città, qui a un caractère plus purement économique et moins politique que la Ragione di Stato im- primée pour la première fois à Venise en lo89 et traduite en latin et dans les principales langues modernes. De ce dernier ouvrage, il existe deux traductions françaises intitulées, l’une Raiso7i et Gouvernement d’État par Chop- pins (lo99\ l’autre Maximes d’État militaires et politiques par Pierre de Deymier (1606). Des autres produits de l’activité littéraire de Botero, qui fut considérable, nous n’avons à citer ici que ses Relatioiii Universali (Brescia, 1399’, dans lesquelles il consigne le fruit des observations qu’il a recueillies dans ses nom- breux voyages.

Botero est à juste titre réputé le premier en date des prédécesseurs de Malthus. Déjà dans sa Ragione di Stato, il signale l’im- portance de la question de la population, mais s’y plaçant plus particulièrement au point de vue de la puissance de l’État, il se contente de faire remarquer que « partout où abondent les hommes, abondent aussi toutes les choses auxquelles s’appliquent le génie et le travail humains ». Il ajoute tou- tefois qu’il faut tenir compte « et de la mul- titude et de sa valeur» et que « les hommes, qui n’ont pas intérêt au maintien de la tran- quillité publique, c’est-à-dire ceux qui sont dans une grande misère, constituent un. danger ». Il ne suffit donc pas d’encourager les mariages, car « leur nombre n’est pas la seule cause de la multiplication humaine  ; il faut veiller en outre à l’éducation et à la subsistance : à défaut de celle-ci, les hommes meurent avant leur temps, ou deviennent inutiles à la patrie ».

Dans la Grandezza délia Città, il serre le problème de plus près et se demande pour- quoi la population ne va pas toujours crois- sant. Les uns ne mettent en cause que « la peste, la guerre, les disettes et autres raisons semblables », mais il est encore une autre


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