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Page:Say et Chailley-Bert - Nouveau dictionnaire d'économie politique, supplément.djvu/84

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DE FER


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CHEMINS DE FER


territoire tout entier de voies ferrées, sans se préoccuper de leur rendement probable ni des frais d’établissement qu’elles occa- sionneraient. Elles ont été concédées aux compagnies parce que l’État a reconnu, après une expérience de plusieurs années, que mieux valait, pour ménager son propre cré- dit, les charger de pourvoir à leur construc- tion et à leur exploitation. Si, d’ailleurs, il n’avait pas pris ce parti et qu’il eût continué, comme il l’avait fait de 1879 à 1883, à créer lui-même les milliers de kilomètres de che- mins de fer qu’il avait promis aux popula- tions, les charges des emprunts qu’il eût dans ce cas été obligé de contracter directement, n’auraient pas moins pesé sur ses finances que ne le fait la garantie d’intérêt. Enfin, le poids de celle-ci a été aggravé par des modi- fications, très sages au surplus, que diffé- rentes lois ont apportées à une des clauses des conventions de 1883. Cette clause stipu- lait que les insuffisances des lignes neuves seraient portées annuellement en addition au capital de premier établissement, jusqu’à l’achèvement complet du réseau concédé. Elle avait le grave défaut de grever l’avenir, car l’accumulation des insuffisances pouvait arri- ver à doubler presque le prix de premier éta- blissement, etlejouroùleréseauauraitété ter- miné, la garantie aurait eu tout à coupa faire face aux intérêts d’un capital démesurément grossi. Pour en fournir un exemple, dès 1884, les déficits capitalisés atteignirent 23 millions pour la seule compagnie de Lyon-Méditer- ranée. Lorsqu’il devint évident que l’achève- ment du troisième réseau durerait beaucoup plus longtemps que les dix années qui avaient été primitivement prévues, on abrogea la disposition dont il s’agit et il fut décidé que les lignes nouvellement construites seraient, un certain temps après leur ouverture, incor- porées au compte d’exploitation. Leur incor- poration dans ce compte a eu pour consé- quence d’augmenter la garantie dans de fortes proportions ; ainsi elle l’a accrue de 23 millions en 1893 et de 25 en 1894.

La seule question que l’on puisse impartia- lement poser à l’occasion des conventions de 1883, est celle de savoir si on n’a pas eu tort de persévérer dans le système de la garantie d’intérêt, qui avait été consacré parles conventions de 1839 et maintenu par les conventions postérieures. Au déljut, on peut dire de ce système qu’il était parfaite- ment justifié et on ne peut nier qu’en inspi- rant confiance aux capitaux, il ait procuré à nos compagnies de chemins de fer un crédit qui leur a permis d’accomplir leur œuvre, de même qu’il a indirectement profité au trésor, en développant la richesse pu-


blique et le rendement des contributions. Mais avec le temps les capitaux étaient devenus plus abondants et moins timides, et ils se seraient naturellement portés vers toutes les entreprises de chemins de fer offrant quelque chance d’être rémunératrices. Avant 1883, du reste, toutes les voies ferrées importantes étaient déjà concédées et il ne s’agissait plus que de les compléter par des embranchements secondaires. Il n’y avait donc pas de raison sérieuse pour grever le budget, uniquement afin de hâter leur cons- truction. Si donc l’Etat leur avait refusé le 1 lénéfice de la garantie d’intérê t, tous ceux que l’on projetait ne se seraient pas faits, mais ceux offrant de l’utilité auraient trouvé des actionnaires et des obligataires ; ils auraient peu à peu été construits dans des conditions plus économiques que celles en usage sur les grands réseaux, et ceux d’un trafic nul, eu égard à leurs dépenses d’établissement et d’exploitation, n’auraient pas été entrepris. Eùt-ceétéun mal? Assurément non. On a donc abusé du système de la garantie d’intérêt, en l’appliquant à de nombreuses lignes dont le produit ne sera jamais en rapport avec les frais qu’elles ont entraînés.

10. Avenir de la garantie d’intérêt.

Quoi qu’il en soit, si les pouvoirs publics apportent une prudente lenteur à l’exécution des lignes restant à faire, s’ils renoncent aux plus onéreuses d’entre elles et rendent moins coûteuses les conditions dans lesquelles certaines autres pourront être établies, il est possible que, giàce à la plus-value des recettes provenant de l’accroissement des ti’ansports qui doit normalement avoir lieu dans un pays aussi riche et aussi laborieux que le nôtre, la garantie d’intérêt aille chaque année en s’atténuant. Il est même possible que plusieurs de nos grandes compagnies recommencent à rembourser au trésor les avances qu’elles ont reçues. Ces résultats seront obtenus si la plus-value de 2 p. 100 c{ui s’est manifestée en 1894 et 1893 se main- tient, ce qui n’a rien d’improbable.

11. Charges que lui imposent les chemins de fer secondaires et les lignes algériennes.

Mais la situation n’est pas la même, en ce qui concerne les réseaux secondaires métro- politains : ceux du Sud de la France, des chemins de fer économiques, des chemins de for départementaux, la ligne du Mont-Cenis, ainsi que les diverses compagnies d’intérêt local ; elle est bien différente également en ce qui concerne les chemins de fer Algériens. En effet, les réseaux secondaires français ont encaissé en 1894 une recette brute de 6 mil-


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