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Page:Schœlcher - Abolition de l'esclavage, 1840.djvu/146

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être tout simple d’en convenir. Rien n’exciterait plus notre dégoût que des efforts sans bonne foi pour démontrer qu’un esclave produira le lendemain de son émancipation autant qu’il produisait forcément dans les fers. À quoi donc lui servirai la liberté, si ce n’est à délier ce qui était lié, à mobiliser ce qui était immuable. Sans doute cela ne sera pas de quelque temps, mais nous n’en regretterons pas davantage la servitude ; c’est un mal qui devait être. Il le fallait pour faire réparation à l’humanité outragée et prévenir un mal plus grand, la révolte sanglante.

Les émancipés agissent comme il est naturel qu’ils agissent. Tout ce qu’ils font n’est pas sage, mais y a-t-il beaucoup de sagesse dans les villageois européens ? Ils s’empressent de faire de leurs enfants des charpentiers, des maçons, des couturières, des tailleurs, et les éloignent de la terre qu’ils ont maudite jusqu’à ce jour. Quant à eux, vieux esclaves, tout joyeux de se dire : « Nous pouvons, » ils abandonnent les champs et viennent la plupart à la ville se faire ouvriers du port, terrassiers, domestiques. Beaucoup s’y livrent à une imprévoyante dissipation, presque tous