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Page:Schœlcher - Abolition de l'esclavage, 1840.djvu/98

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la mort sans trahir leurs compagnons. Le chef, nommé Amsterdam, eut à souffrir l’un des plus effroyables supplices qu’on puisse imaginer ; il fut d’abord contraint de voir treize de ses camarades brisés sur la roue, et ensuite de marcher sur leurs cadavres au lieu de son exécution ; attaché sur le bûcher à un poteau de fer, il eut les membres tenaillés avec des pinces ardentes, et laissa enfin sa vie dans les flammes. La constance de l’héroïque

    force, libres en tout d’ailleurs, n’ayant rien à penser et n’ayant à fournir qu’une somme de travail nécessaire pour l’existence qu’on leur assure certainement ils seraient, comme vous le dites, bien plus heureux que ne le sont les ouvriers de notre société telle qu’elle est encore régie ; mais cela n’est pas, et, fussiez-vous des anges, cela ne peut pas être. Au mot esclavage l’écho répond violence et abrutissement. Dans tous les cas, cette idée du prétendu bonheur des esclaves n’est pas nouvelle ; les esclaves anciens se plaignaient tout autant que ceux d’aujourd’hui, et ainsi que vous, les propriétaires d’alors répondaient : « Combien n’est-il pas préférable de vivre serviteur d’un bon maître que de vivre libre au sein de l’indigence et de l’obscurité ! * » Ce n’est pas d’aujourd’hui que l’on appelle d’un mal à un mal plus grand. — Triste répétition.

    * Ménandre, vers tirés de Stobée