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Page:Schœlcher - De l'esclavage des Noirs, 1833.djvu/53

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peut avoir de volonté, d’affections ; il ne s’appartient pas, il ne possède que sa douleur. Un blanc le frappe-t-il au visage, il doit se taire ; lui prend-il sa femme, il doit se taire. Hier, aujourd’hui, demain, le jour, la nuit incessamment il faut qu’il dévore son chagrin ; comme pour les condamnés du Dante, pour lui il n’y a plus d’espoir, car cette liberté même, qu’il peut acquérir à prix d’argent, est encore noyée d’humiliations !! — C’est à se briser la tête de rage. — Et quand ils veulent secouer de pareils fers, on appelle cela la révolte de la paresse et de la barbarie contre la civilisation et le travail !

Reprochez maintenant aux nègres, si vous voulez, de pousser la vengeance jusqu’à la férocité quand ils peuvent satisfaire leur cœur déchiré d’angoisses ; pour moi, je ne suis surpris que d’une chose, c’est qu’ils ne profitent pas de leur nombre pour nous écraser ; c’est de trouver encore quelques vertus parmi eux, car l’esclavage est fait pour les étouffer toutes. Leur condition les met en état d’hostilité perpétuelle avec la société ; ils doivent naturellement chercher tous les moyens de lui nuire, puisqu’elle est aussi lâchement injuste à leur égard : c’est le droit de l’opprimé ; qui sera assez vertueux pour les blâmer de s’en servir ?