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Page:Schœlcher - Le procès de Marie-Galante, 1851.djvu/24

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préparer leurs fusils[1], voulaient les massacrer : ils ont cru « que la guerre était déclarée ; » c’est une expression qui s’est cent fois retrouvée dans les débats ; ils n’avaient pas de fusils, ils ont pris des torches !… Parmi ces incendiaires, ces dévastateurs, il y avait plus d’un malheureux horriblement aveuglé par le désespoir, qui pensait venger ainsi la mort d’un frère, d’un père, d’un fils tués sous leurs yeux par la mousqueterie. Encore une fois, nous ne prétendons pas excuser des crimes, nous expliquons, on jugera.

Tels sont les faits en masse, arrivons aux charges. Voici comment le procureur général formule son accusation contre l’honorable M. François Germain :

« À son arrivée, il fut aussitôt entouré par un groupe nombreux. Il recommença les mêmes manœuvres que la veille. Le garde-champêtre Bacot et le gendarme Caire s’en aperçurent. Il s’emparait des bulletins des électeurs et en distribuait d’autres, il parlait avec chaleur et se laissa emporter jusqu’à dire que Bacot serait cassé, qu’un fonctionnaire public n’avait pas le droit de s’occuper d’élection, faisant allusion sans doute aux invitations du maire, transmises par cet agent aux cultivateurs, qui refusaient de voter avant l’arrivée de leur chef. Conduit devant le maire, l’accusé n’avait pas eu le temps de faire disparaître les bulletins qu’il venait d’arracher aux cultivateurs sans les consulter. (Acte d’accusation.)

Il se laissa emporter jusqu’à dire qu’un fonctionnaire public n’avait pas le droit de s’occuper d’élection ! Voilà un des crimes de M. François Germain. Dans son impartialité, M. le procureur général oublie qu’il existe une circulaire de M. le gouverneur général des Antilles, où il est dit : « J’userai de tous les moyens de répression qui me sont attribués contre les fonctionnaires qui s’immisce-

  1. « Les travailleurs venaient souvent me dire que les blancs faisaient des balles ; que les blancs nettoyaient leurs armes ; qu’ils voulaient gourmer. » (Interrogatoire de M. Alonzo, Progrès, 21 mars.)

    « Nous sommes entrés chez M. Bauséjour ; j’ai pris deux poids en plomb ; je les ai jetés dehors, en disant : C’est avec cela que les blancs font des balles pour tuer nos frères. » (Interrogatoire d’Hippolyte, Progrès, 28 mars.)