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Page:Schœlcher - Le procès de Marie-Galante, 1851.djvu/52

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fléchie d’un implacable ressentiment contre d’anciens oppresseurs ? » Mais si peu réfléchi qu’on veuille le représenter, pourquoi M. Alonzo aurait-il encouragé une révolte absurde, sans résultats possibles ? Est-ce qu’en agissant ainsi il n’allait pas contre les intérêts évidents de son propre parti ? Comment ! vous lui reconnaissez une certaine intelligence, vous le dites tout-puissant parmi les meneurs, et vous ne remarquez pas que si vraiment « il est assuré depuis longtemps d’un empire irrésistible sur l’esprit des noirs, s’il est le chef, le capitaine général, presque le roi de Marie-Galante, « l’élection des candidats de son choix est certaine ; que, dès-lors, ce n’est pas lui qui peut chercher à faire naître des causes d’invalidation du scrutin, mais le parti opposé. En vain objecterez-vous l’organisation d’un complot ; cette invention cent fois détruite le serait une fois de plus, car tous ceux qui ont été accusés d’être les agents d’Alonzo ont été acquittés. MM. Maurice Sébastien et Kaifort sont libres aujourd’hui, et M. François Germain lui-même n’a été condamné qu’à un an de prison pour délit électoral.

Le ministère public n’avait cependant pas ménagé ces citoyens. Ainsi, pour M. Germain, voici comme il le dévoile dans son réquisitoire : « Ancien soldat, la position de Germain est des plus modestes, il est cordonnier : Germain est, en un mot, un de ces hommes qui ont plus à gagner qu’à perdre à un bouleversement social. » Il ne fait pas bon être ancien soldat et cordonnier quand on tombe sous la main du procureur général de la Guadeloupe. M. Rabou n’avait-il pas encore rapporté ce monstrueux propos de M. Sébastien Maurice s’adressant aux électeurs noirs : « Ne croyez pas que ce soit M. Bissette qui a signé votre acte de liberté, c’est M. Schœlcher. » (Acte d’accusation.) Vraiment, en face de semblables motifs d’accusation n’a-t-on pas quelque droit de se demander si ce ne sont pas les élus que l’on poursuivait dans la personne de leurs électeurs ? Les extraits de l’Avenir, du Commercial et du Courrier de la Martinique, que nous avons cités en commençant, répondent à cette question. Quant à M. Kaifort, honorable commerçant de la Pointe-à-Pitre, sa présence à Marie-Galante avait suffi pour le rendre com-