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Page:Schleiermacher - Discours sur la religion, trad. Rouge, 1944.djvu/102

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même force probante. La valeur qu’ont pour nous ces récits, c’est la connaissance historique qu’ils nous donnent de la nature, de l’étendue et de la permanence de l’action spirituelle exercée par le Christ (La Foi chrétienne, § 103, II, 117-120). D’une façon générale, ce ne sont pas les faits transmis par la Bible et par la tradition, dont la réalité peut être discutée, qui doivent nous imposer la foi. Dans ces données historiques, le théologien voit des manifestations du sentiment religieux qui s’y exprime et dont elles témoignent. Ces manifestations qu’elle transmet, ces témoignages qu’elle perpétue, font la valeur, jusqu’ici unique, de la Bible aux yeux de Schleiermacher. Mais l’essentiel reste toujours pour lui ce sentiment religieux lui-même, personnellement et directement éprouvé.

Sur tous ces points, on voit combien l’esprit de 1821 demeure près de celui de 1799.

Notons encore qu’il en est de même au sujet d’un autre grand problème, celui que pose la croyance à l’immortalité de l’âme. Dans la Foi chrétienne, II, 446-449, 469-472, le théologien semble bien admettre pour les humains une immortalité personnelle semblable à celle que le Christ s’attribue à lui-même, parce que, sans cela, l’homme ne pourrait pas s’identifier avec lui, et s’unir ainsi à Dieu, comme paraît le comporter le plan divin. Mais il met en garde contre la vanité et le danger de la tendance naturelle à matérialiser en quelque sorte cette survie, insiste sur l’impossibilité de s’en faire une idée nette, et laisse bien voir qu’à ses yeux cette croyance n’est pas du tout essentielle. Sa pensée intime a tout l’air d’être restée ce qu’elle était au temps des Discours, que l’homme doit savoir se contenter, en fait d’immortalité, du sentiment d’être transporté hors du temps, d’être soustrait à la loi du temps, sentiment qu’il éprouve dans les moments de sa vie terrestre où il se sent en pleine communion avec l’Éternel, avec l’Absolu, avec Dieu, ou bien alors, après la mort, d’une mystérieuse résorption de son être fini dans l’Infini.

Une objection très grave de beaucoup de représentants du christianisme positif à l’égard de cette conception est qu’elle supprime l’éternité humainement concevable des récompenses et des peines, et prive par conséquent la religion d’un de ses plus puissants moyens d’action sur la moralité