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Page:Schleiermacher - Discours sur la religion, trad. Rouge, 1944.djvu/106

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de l’âme, l’auteur paraissait sortir en fait de la communauté chrétienne, à laquelle il affirmait vouloir rallier ceux à qui il s’adressait. Il semblait vouloir se contenter d’un spiritualisme vague, volatile, plus esthétique que moral, suffisant pour aristocratiser la vie d’une élite, inapte à conférer à une communauté humaine les forces positives qu’elle demande à sa religion.

Mais il lui a été accordé de vivre assez longtemps, et de travailler avec assez de suite et de persévérance, pour organiser, clarifier, nuancer ses idées, pour leur donner, dans les corrections, adjonctions et commentaires de ses Discours, dans sa Foi chrétienne surtout, comme dans la prédication et l’enseignement et les œuvres que celle-ci résume, la consistance, la cohésion et l’homogénéité qui manquaient à son premier essai, trop expressionniste et improvisé.

Il lui a été donné ainsi d’apporter une interprétation de plusieurs des principaux dogmes chrétiens très libérale, très nuancée, acceptable telle quelle pour bien des protestants, et se prêtant à bien des conciliations, avec une libre pensée sympathisante à l’égard du christianisme comme avec une foi plus positive.

Dans cette interprétation, il tient compte de la tradition qu’il connaît par le dedans. Il en retient uniquement, mais en admet vraiment, ce qui satisfait non seulement aux exigences négatives de la raison, mais non moins aux exigences positives du sentiment religieux. C’est la grande différence entre lui et le rationalisme du xviiie siècle, qui aboutit trop souvent à une idéologie sans chaleur et sans vie.

En somme, la piété de Schleiermacher rejette, ou plutôt ignore, un seul des dogmes fondamentaux du christianisme de stricte observance : celui de la rédemption conçue comme satisfaction exigée et acceptée par la justice divine ; ce dogme-là, il le juge incompatible avec celui de la bonté et de la toute puissance divines. Mais, le plus souvent, sans les rejeter d’une façon absolue, il écarte, ou laisse en suspens comme accessoires, d’autres croyances jugées essentielles par la foi chrétienne positive : dans le Dieu trinitaire, les rapports entre le Père et le Fils considérés sous un aspect anthropomorphique ; le Christ conçu par le Saint-Esprit et né de la Vierge Marie, ressuscité des morts et monté au Ciel s’asseoir à la droite de Dieu ; l’immortalité de l’âme individuelle ;