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Page:Schleiermacher - Discours sur la religion, trad. Rouge, 1944.djvu/108

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Luther et de Calvin, c’est que l’essentiel de la religion en général, du christianisme en particulier, c’est le sentiment de l’union de l’homme avec le divin, en particulier du chrétien avec son Dieu, par l’intermédiaire du Christ. C’est ce sentiment, dans la mesure où l’homme l’éprouve à l’intérieur de son âme, qui l’apparente avec le Christ, et par là-même avec Dieu. Tous les dogmes, tous les sacrements, toute la Bible, toute l’organisation de l’Église, n’ont de valeur véritable et certaine qu’en tant que manifestations, preuves et moyens à la fois, du sentiment de cette communion, éléments et aliments de la félicité qui en est la sanction dans l’existence terrestre passagère déjà, à certains moments privilégiés de laquelle elle confère une valeur surnaturelle d’éternité.

La doctrine de la Foi chrétienne fait état du Nouveau Testament beaucoup plus que celle des Discours. Elle tient compte davantage des commentaires dont il a été l’objet. Elle fait donc plus de place dans la religion à l’élément positif que donne au christianisme sa tradition historique. Elle appelle un peu moins la correction, le complément, que lui apporteront, en particulier, dès 1875, Ritschl et son école. Cependant, elle s’inspire toujours surtout du sentiment individuel, direct, spontané, de l’homme en général, du chrétien en particulier, de ce que ce sentiment révèle et comporte, beaucoup plus que des dogmes traditionnels, des discussions théologiques, et de l’autorité ecclésiastique. En présence de problèmes si débattus, c’est le plus souvent le sentiment qui dicte à sa raison ses conclusions, en général d’ailleurs prudentes et modérées.

Or, cette fonction reconnue au sentiment, dans un esprit intéressant à comparer avec celui de Pascal, c’est ici, souvent avec des exagérations dangereuses, en conflit avec la raison, mais parfois aussi dans des inspirations fécondes et heureuses, en accord avec elle, c’est un des caractères fondamentaux du romantisme. Schleiermacher a partagé avec sa génération romantique ce culte du sentiment personnel. C’est de là qu’il le tient, élaboré comme il l’est ici, plus subtilement que dans le piétisme et dans le Sturm und Drang. Par son organe, le romantisme a ainsi intensifié la vitalité de l’esprit libéral et progressif de la religion protestante, comme il a intensifié, par l’organe de Frédéric