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Page:Schleiermacher - Discours sur la religion, trad. Rouge, 1944.djvu/109

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Schlegel entre autres, la tendance naturelle du catholicisme au traditionalisme conservateur.

La réponse à une des questions importantes posées par les Discours sur la religion semble donc devoir être : oui, le romantisme de Schleiermacher a contribué à faire de lui, avec ses défauts et ses qualités, le réformateur qu’il a été du christianisme protestant. Goethe n’aurait pas créé le second Faust s’il n’avait, dans sa jeunesse, produit le premier. De même, Schleiermacher ne serait pas devenu l’auteur, reconnu classique, de la Foi chrétienne, s’il n’avait été dans sa jeunesse celui des romantiques Discours.

Et maintenant, quelles ont été les conséquences de cette œuvre réformatrice ?

Schleiermacher a spiritualisé, intériorisé, individualisé la religion plus qu’elle ne l’avait jamais été au sein même d’une des grandes églises chrétiennes ; au-delà, on se trouve dans le monde, soit de sectes plus ou moins hétérodoxes, soit d’un spiritualisme qui n’est plus spécifiquement chrétien. Est-il allé dans ce sens jusqu’à une volatilisation et un émiettement incompatibles avec l’existence d’une religion positive et d’une Église véritable ? Cela peut se soutenir. Ce reproche a été et reste la réserve ou le grief de ceux, toujours très nombreux, qui le critiquent ou le combattent. La subtilisation et le morcellement du protestantisme ont plutôt augmenté après lui, et son influence peut y avoir contribué.

Mais subtilisation et morcellement peuvent avoir aussi comme effet une extension, en largeur et en profondeur.

D’autre part, bien des pages des Discours analysent des états d’âme et d’esprit dans lesquels une lecture superficielle ne distingue rien de spécifiquement religieux. Il y parle de sentiments et d’imaginations, d’idées, de concepts et de raisonnements inspirés essentiellement par la curiosité et la préoccupation des rapports entre le particulier et le général, l’individuel et le générique, la partie et le tout, le fini et l’infini, le connu et le mystérieux, le relatif et l’absolu, en deux mots, entre le monde phénoménal et la réalité sous-jacente. Il s’agit là d’une activité intellectuelle et sentimentale le plus souvent sub-consciente, qui fait partie intégrante de la vie de l’esprit humain, dans son fonctionnement le plus général et le plus normal, aussi bien rationnel qu’irrationnel.