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Page:Schleiermacher - Discours sur la religion, trad. Rouge, 1944.djvu/138

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formes sous lesquelles elle est apparue dans l’histoire, il doit m’être accordé de demander si vous en avez bien observé toutes les manifestations, et si vous avez bien saisi le contenu qui leur est commun ? Votre conception, si elle s’est formée de cette manière, vous devez la justifier par le détail, et si quelqu’un vous dit qu’elle est inexacte et passe à côté, s’il vous indique dans la religion autre chose qui n’est pas creux mais qui a son centre comme tout autre objet, il vous faut écouter, et juger, avant de vous permettre de persister dans votre mépris.

Ne vous refusez donc pas à écouter ce que je veux dire à présent à ceux qui, dès le début, partant du particulier, ont raisonné [25] d’une façon plus juste mais aussi plus laborieuse.

Vous connaissez sans aucun doute l’histoire des folies humaines, et vous avez parcouru les diverses constructions édifiées par la religion, depuis les fables insanes de nations incultes jusqu’au déisme le plus raffiné, depuis la superstition grossière de notre peuple jusqu’à ces fragments mal cousus ensemble de métaphysique et de morale qu’on appelle christianisme rationnel[1] ; vous avez trouvé tout cela contraire au bon sens et à la raison. Je suis très éloigné de vouloir vous contredire en cela. Et même bien plutôt, si c’est votre avis sincère que les systèmes religieux les plus évolués ne sont pas moins affectés de ces défauts que les plus grossiers, et pour peu que vous vous rendiez compte que le Divin ne peut pas se trouver situé à l’intérieur d’une série dont les deux extrémités seraient choses vulgaires et méprisables, je vous dispenserai volontiers de la peine d’apprécier de plus près tous les degrés intermédiaires : ils apparaissent tous comme des transitions qui vont se rapprochant du dernier d’entre eux ; chacun sort de la main de son époque un peu mieux poli, jusqu’à ce qu’enfin l’art se soit élevé à la perfection, qui est atteinte dans le jouet dont notre siècle a fait si longtemps son passe-temps. Mais ce perfectionnement est tout plutôt que progression [26] qui rapprocherait de la religion.

Je ne peux pas parler de ces choses sans colère, car

  1. Première attaque contre la religion rationnelle, ou naturelle, qui sera souvent prise à partie dans la suite.