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Page:Schleiermacher - Discours sur la religion, trad. Rouge, 1944.djvu/137

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cela ait été un examen de la première sorte, car dans ce cas, mes bons, vous devriez convenir qu’il y a dans ces idées quelque chose au moins qui appartient à la nature humaine. Et quand bien même vous voudriez dire que, telle qu’on les rencontre aujourd’hui, elles ne sont issues que d’interprétations erronées ou de fausses conséquences tirées d’une aspiration nécessaire de l’humanité, il conviendrait tout de même que vous vous missiez d’accord avec nous pour chercher à discerner en elles ce qu’elles ont de vrai et d’éternel, et pour réparer le tort qu’on fait à la nature humaine toutes les fois qu’on méconnaît quelque chose en elle, ou qu’on en fait dévier le sens. Au nom de tout ce qui vous est sacré — et d’après cet aveu il doit y avoir quelque chose de sacré pour vous — je vous en conjure, ne négligez pas et n’ajournez pas ce que vous avez à faire à cet égard, afin de ne pas légitimer contre vous le courroux, pleinement justifié, de l’humanité que vous honorez avec nous, et qui vous reprocherait à bon droit de l’avoir abandonnée dans une affaire importante.

Et si, après ce que vous allez entendre de moi[1], vous estimez que ce qui était à faire est dès à présent fait, je peux du moins compter sur votre reconnaissance et votre approbation. Mais vous direz probablement que vos idées sur le contenu de la religion sont celles auxquelles on est conduit du second des points de vue définis tout à l’heure sur cette [24] manifestation de l’esprit, et que la raison pour laquelle cette dernière est vide, et l’objet de votre mépris, c’est que ce qui se trouve à son centre lui est tout à fait hétérogène et ne peut pas du tout être appelé religion ; que par suite la religion ne peut pas du tout être sortie de là, et ne peut être en tout lieu qu’une apparence vide et fausse, qui est venue envelopper une partie de la vérité comme d’une atmosphère trouble et pesante[2]. Telle est sûrement votre vraie opinion à proprement parler. Mais si vous tenez les deux points indiqués plus haut pour le contenu de la religion au sein de toutes les

  1. Cette subordonnée de temps explicative est une adjonction nécessaire de B.
  2. B dit plus simplement et plus clairement que les amis en question jugent sans doute la religion sur ce qu’elle apparaît vue du dehors, dans ses manifestations extérieures.