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Page:Schleiermacher - Discours sur la religion, trad. Rouge, 1944.djvu/181

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dirige constamment vers ce but. Pour vous, c’est l’humanité qui est à proprement parler l’Univers, et tout le reste vous ne le faites entrer [90] en lui que dans la mesure où cela se rapporte à elle ou l’environne. Je ne veux pas, moi non plus, vous induire à dépasser ce point de vue. Mais j’ai souvent ressenti avec une souffrance intime que, quel que soit votre amour de l’humanité et votre zèle pour elle, vos rapports avec elle soient toujours compliqués et discordants. Vous vous donnez du mal, chacun à sa manière, pour coopérer à son amélioration et à sa formation, et finalement vous laissez en plan, découragés, ce qui n’aboutit à rien. Je peux dire que cela aussi vient de votre manque de religion. Vous voulez agir sur l’humanité, et vous considérez les hommes individuellement. Ces individus vous déplaisent grandement, et parmi les mille causes que cela peut avoir, la plus belle incontestablement, et qui ne joue un rôle que chez les êtres supérieurs, est que vous êtes par trop moraux, à votre manière. Vous prenez les hommes isolément, et vous avez ainsi un idéal de l’individu, mais auquel ils ne correspondent pas[1]. Tout cela n’est qu’entreprise absurde et vous vous trouverez bien mieux sur le plan de la religion. Je voudrais vous voir seulement essayer d’opérer un échange entre les objets de votre activité et ceux de votre contemplation. Sur les individus isolés, agissez, mais dans votre contemplation, élevez-vous, sur les ailes de la religion, plus haut, jusqu’à l’humanité infinie, [91] indivisée ; que ce soit celle-là que vous cherchiez dans chaque individu : considérez comme une révélation de celle-là, à vous adressée, l’existence de chaque individu, et il ne pourra pas rester trace de tout ce qui a présent pèse sur vous. En ce qui me concerne du moins, je me vante aussi d’une certaine disposition morale, je sais apprécier, la perfection humaine, et la vulgarité, considérée en elle-même, peut presque faire déborder en moi le sentiment désagréable de la mésestime. Mais de tout cela, la religion me donne une vue grande et magnifique.

Représentez-vous en pensée le génie de l’humanité

  1. C : personne ne correspond.