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Page:Schleiermacher - Discours sur la religion, trad. Rouge, 1944.djvu/19

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dans ce que Jacobi avait, en 1785, fait connaître de la métaphysique de Spinoza, jusque là presque ignorée en Allemagne, non sans en forcer un peu, dans son désir de la combattre, le caractère rationaliste. Incité aussi à méditer sur elle par les entretiens sur Spinoza de Herder (1787), et surtout par sympathie congénitale, Schleiermacher le comprend mieux, tout en l’interprétant de son côté à sa manière, en sens inverse, celui d’une dynamisation organiciste et d’une poétisation religieuse, qui le romantisent pourrait-on dire. Guidé d’ailleurs par l’idéalisme platonicien dont il est pénétré, et qui fait du monde visible simplement l’image du monde des idées, lequel est celui de la réalité véritable, influencé peut-être aussi par ce qu’il y a d’analogue dans la mystique néo-platonicienne, le jeune théologien voit alors dans la substance que le penseur de la Haye a conçue comme le principe d’où découlent nécessairement les modes finis, il voit là le principe infini qui, présent dans le monde des apparences nécessairement finies, en est la réalité véritable. Il trouve là cette réalité spirituelle idéale dont tout son être a besoin. C’est à l’Univers tel qu’il le voit ainsi, manifestation sensible, nécessairement incomplète, imparfaite, puisque finie, de l’Infini, mais révélation de cet Infini, de cet Absolu, de ce Divin qui en est le principe, le substrat réel, et n’a peut-être d’existence qu’en lui, c’est à cet Univers qu’il voue le culte que, tout en protestant alors comme il fera toujours contre l’imputation de panthéisme, il va professer et prêcher, en en célébrant l’objet mieux qu’il ne réussira à le définir, dans ses Discours de 1799.

À côté de Platon, Kant et Spinoza, c’est Leibniz qu’il faut nommer encore, parce que la monadologie aidera le jeune théologien à résoudre le problème de l’incarnation de l’Infini dans le fini, sous la forme des grandes individuations collectives et personnelles, d’une façon plus positive, et par conséquent plus satisfaisante pour son propre individualisme, que ne le permet le monisme plus rigoureux de Spinoza. En outre, l’optimisme leibnizien répond à une tendance naturelle de son caractère et de son esprit, dont on verra l’action sur ses idées.

À la fin de 1795 ou au début de 1796, Schleiermacher est nommé pasteur à l’hôpital de la Charité à Berlin. De 1796 à