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Page:Schleiermacher - Discours sur la religion, trad. Rouge, 1944.djvu/197

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pas l’esprit de la même façon, et ne visaient pas à dominer ! Chaque tendance veut exécuter des œuvres, chacune a un idéal auquel elle tend, et [114] une totalité à laquelle elle veut atteindre, et cette rivalité finit inévitablement par la victoire de l’une d’elle qui refoule l’autre.

À quoi par conséquent l’homme doit-il employer la force que lui laisse toute application réglée et méthodique de son besoin de création plastique ? Il ne doit pas l’employer à vouloir de nouveau former quelque chose d’autre, en travaillant à un autre objet fini, mais à se laisser impressionner par l’Infini, sans exercer d’activité déterminée, et à manifester dans tous les genres de sentiments religieux sa réaction à l’égard de cette action. Quel que soit celui de ces objets que vous ayez choisi pour votre activité, soit libre soit méthodique, en partant de n’importe lequel, il suffit de peu de sens pour trouver l’Univers, et dans ce dernier vous découvrez alors tous les autres comme son injonction, sa suggestion, ou sa révélation ; les contempler et les considérer ainsi dans l’ensemble total, et non comme quelque chose de distinct et ayant sa détermination en soi, c’est la seule manière dont vous puissiez, après avoir choisi une direction pour votre esprit, vous approprier aussi ce qui se trouve en dehors d’elle, et cela non pas de nouveau par caprice[1], en tant qu’art, mais par instinct pour l’Univers, en tant que religion. Sous la forme religieuse aussi, ces objets rivalisent de nouveau entre eux, et par suite, [115] la religion aussi apparaît morcelée comme poésie de la nature, philosophie de la nature, ou morale naturelle, plus souvent que complète et réunissant tout dans la totalité de la forme qu’elle peut revêtir.

Ainsi l’homme adjoint au fini, vers lequel le pousse le caprice de sa volonté, un infini ; à sa tendance orientée vers la concentration, en vue d’un objet déterminé et complet, il adjoint l’extensivité du flottement dans l’indéterminé et l’inépuisable. C’est ainsi qu’il procure au superflu de sa force un débouché infini, et rétablit l’équilibre et l’harmonie de son être, irréparablement perdus s’il s’abandonne à une direction particulière sans avoir en même temps de la religion. La virtuosité[2] d’un

  1. Aus Willkür.
  2. B : la vocation déterminée.