Aller au contenu

Page:Schleiermacher - Discours sur la religion, trad. Rouge, 1944.djvu/198

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

homme n’est pour ainsi dire que la mélodie de sa vie, et reste réduite à quelques sons discontinus s’il n’y ajoute pas la religion. Celle-ci accompagne cette mélodie de variations infiniment riches dans tous les tons qui ne lui sont pas complètement contraires, et transforme ainsi le simple chant de la vie en une magnifiquement polyphonique harmonie.

Si ce que j’ai indiqué, d’une façon j’espère suffisamment compréhensible pour vous tous, constitue à proprement parler l’essence de la religion, il n’est pas difficile de répondre à la question qui se pose : où donc doivent prendre place [116] ces thèses doctrinales, ces dogmes, dans lesquels on fait communément voir la teneur de la religion ? Quelques-uns ne sont que des expressions abstraites d’intuitions religieuses, d’autres sont libres réflexions sur les opérations[1] originelles du sens religieux, résultats d’une comparaison entre la vision religieuse et la vulgaire. Prendre le contenu d’une réflexion pour l’essence de l’action sur laquelle on réfléchit, c’est là une erreur si habituelle que vous ne serez sans doute pas surpris de la rencontrer ici aussi. Miracles, inspirations, révélations, sensations ou sentiments surnaturels, on peut avoir beaucoup de religion sans s’être jamais heurté à l’une quelconque de ces notions[2] ; mais quiconque réfléchit sur sa religion dans un esprit de comparaison, les trouve inévitablement sur son chemin et ne peut absolument pas les tourner. Prises en ce sens, toutes ces notions rentrent assurément dans le domaine de la religion, et cela d’une façon inconditionnée, sans qu’on ait le droit de déterminer en rien les limites de leur application. Les discussions sur ces problèmes : quelle circonstance est à proprement parler un miracle et en quoi consiste à proprement parler son caractère distinctif ? combien peut-il bien y avoir de révélations, et dans quelle mesure et pourquoi peut-on y croire [117] vraiment ? et la tendance manifeste à écarter tout cela par la négation autant que le permettent les convenances et les égards, dans la folle

  1. Ou « fonctions », Verrichtungen.
  2. Begriffe ; ici et dans les pages suivantes, « notions » me semble convenir mieux que « concepts ».