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Page:Schleiermacher - Discours sur la religion, trad. Rouge, 1944.djvu/241

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religion vous[1] ont demandé, sur le ton du reproche, pourquoi donc tous les sujets importants sont traités entre vous[1] sur le ton des relations amicales, à la seule exception de Dieu et des choses divines. Je voudrais vous[1] défendre à cet égard en disant que, tout au moins, ce n’est pas là une marque ni de mépris ni d’indifférence, mais celle d’un heureux et très juste instinct.

Dans les domaines où la joie et le rire ont aussi droit de cité, où le sérieux lui-même doit se marier de bonne grâce à la plaisanterie et aux jeux de mots, il ne peut pas y avoir de place pour ce qui doit toujours être enveloppé d’une sainte pudeur et d’un saint respect. Idées religieuses, sentiments pieux, réflexions sérieuses sur ces sujets, ce sont là choses qu’on ne peut pas se jeter l’un à l’autre en petites miettes, comme les propos d’un entretien frivole : en parlant de sujets si sacrés, il y aurait sacrilège plutôt qu’adroite vivacité à avoir une réponse immédiate à toute question, une réplique prête à toute interrogation. Les choses divines ne se laissent pas traiter à la manière d’un léger et rapide échange de boutades à l’emporte-pièce ; [181] la communication sur le plan religieux doit se faire dans un style plus haut. De là doit naître un autre genre de société, qui soit voué en propre à la religion. Il convient de consacrer, à l’objet suprême que peut atteindre le langage, toute la plénitude aussi et la magnificence du discours humain. Non pas qu’il y ait un ornement quelconque dont la religion ne puisse se passer, mais parce qu’il serait d’un esprit profane et frivole de ne pas donner l’impression qu’on a recours à tout pour la présenter avec la force et la dignité appropriées. C’est pourquoi il est impossible d’exprimer et de communiquer la religion autrement que dans un langage éloquent, appliqué à mettre en œuvre toutes les ressources, tout l’art du discours, et en recourant volontiers de plus au service de tous les arts qui peuvent remédier à la fugacité et à la mobilité de la parole. C’est pourquoi aussi la bouche de celui dont elle remplit le cœur s’ouvre seulement devant une assemblée telle que puisse y exercer une action, mul-

  1. a, b et c À ce « vous », C substitue « nous ».