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Page:Schleiermacher - Discours sur la religion, trad. Rouge, 1944.djvu/244

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de comportement momentanés. Chacun est prêtre dans la mesure où il attire à lui les autres sur le terrain qu’il s’est approprié en particulier, et où il peut se présenter en virtuose[1] ; chacun est laïque dans la mesure où il se conforme à l’art et aux indications d’un autre, qu’il suit, dans le domaine de la religion, sur le terrain où il est lui-même un étranger. Il n’y a pas là cette aristocratie tyrannique que vous décrivez si haineusement[2] ; cette société est un peuple sacerdotal[3], une parfaite république, où chacun obéit à la même force chez l’autre qu’il sent aussi en lui-même, et [185] par laquelle il domine, lui aussi, les autres. Où donc est l’esprit de dissension et de scission que vous considérez comme la suite inévitable de toutes les associations religieuses ? Ce que je vois, c’est uniquement que tout est un, et que toutes les différences qui existent réellement dans la religion elle-même se fluidifient et fondent doucement l’une dans l’autre, précisément du fait de l’union par la sociabilité.

J’ai moi-même attiré votre attention sur divers degrés de la religiosité ; j’ai indiqué deux espèces différentes du sens, et diverses directions dans lesquelles l’imagination s’approprie, en l’individualisant à son usage, l’objet suprême de la religion[4]. Pensez-vous que de là doivent nécessairement sortir des sectes, et que cela doive entraver la liberté de l’esprit de société dans la religion ? Dans la considération des choses sur le plan des idées règne assurément la loi que tout ce qu’on dissocie, et range dans des catégories différentes, s’oppose aussi mutuellement et doit se contredire. Mais écartez cette loi quand vous contemplez intuitivement le réel. Là, tout conflue et se confond[5]. Sans doute ceux qui se ressemblent le plus en un de ces points s’attireront aussi réciproquement le

  1. B : en maître.
  2. Ou : « si haineuse ».
  3. Dans le commentaire 5 de 1821, l’auteur invoque à l’appui de cette affirmation l’exhortation que l’apôtre Pierre adresse, fait remarquer le théologien, à tous les chrétiens ; il s’agit des versets 5 à 10 du chapitre I de sa 1re épître.
  4. Voir les distinctions établies p. 165-70.
  5. Application de la distinction que l’auteur et ses amis romantiques font souvent entre les oppositions nettes stipulées par la raison sur le plan de l’abstraction, et l’universelle compénétration qui règne dans la réalité vivante.