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Page:Schleiermacher - Discours sur la religion, trad. Rouge, 1944.djvu/275

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reux sortissent isolément du rang, et les assemblassent [232] autour d’eux, pour être leur œil, et leur communiquer en peu de minutes fugitives les intuitions d’une vie. À l’époque heureuse où chacun pourra exercer et employer librement son sens, dès le premier éveil des forces supérieures, dans la sainte jeunesse élevée par les soins d’une sagesse paternelle, quiconque est apte à la religion sera mis à même d’y participer ; toute communication unilatérale cessera alors, et le père récompensé conduira son fils devenu fort non seulement dans un monde plus joyeux et au sein d’une vie plus facile, mais aussi, directement, dans la société sainte, maintenant plus nombreuse et plus agissante, des adorateurs de l’Éternel.

Dans le sentiment reconnaissant que, si ce temps meilleur vient un jour, si loin qu’il puisse être encore, les efforts auxquels vous consacrez vos jours auront quelque peu contribué à l’amener, permettez-moi d’attirer une fois encore votre attention sur le beau fruit de votre travail à vous aussi : laissez-vous conduire une fois encore à la haute communauté d’esprits vraiment religieux, qui a vrai dire est actuellement dispersée et presque invisible, dont l’esprit cependant exerce son action partout où, même quelques-uns seulement, sont réunis au nom de la Divinité[1]. Qu’y a-t-il là qui puisse ne pas vous remplir [233] d’admiration et d’estime, vous, amis et respectueux admirateurs de tout ce qui est beau et bon ! Ils forment entre eux une académie de prêtres. La religion, qui est pour eux ce qu’il y a de plus haut, chacun d’entre eux la pratique ainsi qu’on traite un art et un objet d’étude ; en vue de quoi elle impartit à chacun un lot personnel qu’elle tire de sa richesse infinie.

Au sens général qui s’adapte à tout ce qui rentre dans le domaine sacré de la religion chacun joint, comme il convient à des artistes, l’aspiration à parvenir à la perfection dans une de ses sections particulières ; une noble émulation règne, et le désir de produire quelque chose de digne d’une telle assemblée engage chacun à s’assimiler loyalement et avec zèle tout ce qui rentre dans son domaine délimité. Cela, un cœur pur le conserve, un esprit

  1. S’inspire de Matthieu XVIII, 20.