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Page:Schleiermacher - Discours sur la religion, trad. Rouge, 1944.djvu/286

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complètement représentée[1] que dans une quantité infinie de formes déterminées ? Uniquement pour des raisons qui ont été développées quand j’ai parlé de l’essence de la religion. Ces raisons, les voici : Toute intuition de l’Infini a sa pleine existence en elle-même ; elle ne dépend d’aucune autre, et n’entraîne non plus nécessairement l’existence d’aucune autre ; leur nombre est infini et il n’y a en elles-mêmes aucune raison pour laquelle on devrait établir de l’une à l’autre telle relation plutôt que telle autre ; et cependant, chacune d’elles apparaît sous un aspect tout différent si on la considère d’un autre point de vue, ou par rapport à une autre ; par suite, la seule possibilité, pour que la religion passe totalement à l’existence, est que toutes ces diverses vues de chaque intuition, qui peuvent naître de la sorte, soient réalisées ; et cela n’est possible que dans une masse infinie de formes diverses, dont chacune est absolument déterminée par le principe particulier de la relation[2] en elle, et dans chacune desquelles le même élément religieux est modifié de façon tout à fait particulière ; cela revient à dire : qui sont toutes de véritables individus.

Maintenant, [250] ces individus, par quoi sont-ils déterminés ? En quoi diffèrent-ils les uns des autres ? Quel est entre leurs éléments le principe commun qui les tient unis, ou le principe d’attraction auquel ils obéissent ? D’après quoi juge-t-on à quel individu doit être attribuée telle ou telle donnée religieuse[3] ?

Ce n’est pas une quantité déterminée de matière religieuse qui peut constituer le principe distinctif d’une forme déterminée de la religion. C’est là l’erreur totale, au sujet de la nature essentielle des diverses religions particulières, qui s’est souvent répandue parmi leurs adeptes mêmes, et a été la cause initiale de leur perte.

  1. L’auteur use en général du mot darstellen, représenter ; ici il emploie le terme bien vague gegeben, donné, qui prend plus de force quelques lignes plus loin, et p. 260, dans l’expression wirklich gegeben, réellement donné, qu’on peut rendre par « réalisé ».
  2. Beziehung est ici tout à fait indéterminé ; ailleurs, le mot est assez souvent employé pour le rapport entre fini et Infini.
  3. D’ici à la page 261, l’auteur va chercher à définir les traits particuliers qui individualisent les religions positives ; les variantes de B ne modifient pas le caractère abstrait de cette discussion générale.