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Page:Schleiermacher - Discours sur la religion, trad. Rouge, 1944.djvu/300

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entre elles du fait des nuances si diverses de la sensibilité à l’égard du charme d’un même objet ; du fait aussi de la suprême diversité dans les effets de l’action exercée sur elles ; du fait encore de la variété du ton dicté par la prédominance nette de l’une ou l’autre des espèces de sentiments ; du fait enfin de toutes sortes d’idiosyncrasies de l’excitabilité et de toutes sortes de particularités de la disposition d’esprit, d’où résulte que bientôt il y a pour chacun une situation propre, dans laquelle la vision religieuse des choses le domine de préférence.

Je constate de plus avec étonnement comme le caractère religieux de l’être humain est souvent en lui quelque chose de tout à fait particulier, combien distinct et séparé de tout ce qui se découvre dans les autres dispositions de sa nature ; comme l’âme la plus tranquille et la plus modérée est capable dans ce domaine de l’affectivité la plus vive, allant jusqu’à la passion ; comme le sens qui, pour les choses communes et terrestres, est le plus obtus a ici des impressions dont l’intériorité va jusqu’à la mélancolie, et voit avec une clarté qui va jusqu’au ravissement en extase et à la prophétie ; comme un esprit des plus timide et craintif dans toutes les affaires du monde, quand il s’agit de choses saintes s’exprime sur elles et en leur faveur à haute voix, souvent bravant le monde et bravant son époque jusqu’au martyre. Et ce caractère religieux lui-même, combien sont merveilleuses souvent sa nature et sa composition, mêlant et fondant ensemble chez chacun d’une manière particulière l’affinement de la culture et la [271] grossièreté de l’inculture, l’extension et la stricte étroitesse de la capacité, la tendresse et la dureté.

Où j’ai vu tous ces traits prendre figure ? Dans le domaine propre de la religion, dans ses formes déterminées, dans les religions positives, que vous décrivez en les accusant du contraire, chez les héros et martyrs d’une foi déterminée, chez les exaltés animés d’un enthousiasme mystique pour des sentiments déterminés, chez les adeptes respectueux d’une lumière déterminée et de révélations individuelles, voilà où je veux vous les montrer à toutes les époques et chez tous les peuples. Et ce n’est que là qu’on peut les trouver, les choses étant ce qu’elles