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Page:Schleiermacher - Discours sur la religion, trad. Rouge, 1944.djvu/299

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que par lui-même, et ne peut jamais être complètement compris qu’à la condition de remonter aussi loin que possible jusqu’aux premières extériorisations de la libre volonté dans les temps les plus anciens, de même la personnalité religieuse d’un chacun est un tout fermé, et ne peut être comprise qu’à la condition que vous cherchiez à en étudier et connaître les premières manifestations.

C’est pourquoi je crois aussi que toute cette plainte que vous portez contre les religions positives n’est pas de votre part chose sérieuse ; ce n’est sans doute qu’un [269] jugement préconçu, car vous êtes beaucoup trop insoucieux de la chose pour être autorisés à juger ainsi. Vous ne vous êtes sans doute jamais sentis appelés à vous attacher étroitement aux quelques rares êtres religieux que vous pouvez peut-être rencontrer — et qui sont pourtant toujours attirants et dignes d’affection — en vue de les étudier plus exactement, disons à l’aide du microscope de l’amitié, ou tout au moins de la connaissance plus intime qui ressemble à l’amitié, et de voir comment ces êtres sont organisés pour l’Univers et par lui.

Moi qui les ai observés attentivement, qui les recherche avec autant d’application et les examine avec le même soin religieux que vous vouez aux singularités de la nature, la question s’est souvent posée à mon esprit s’il ne suffirait pas déjà, pour vous conduire à la religion, que vous prissiez garde avec quelle toute puissance la Divinité agit dans la partie de l’âme qu’elle habite le plus volontiers, où elle se manifeste dans ses interventions directes et se contemple elle-même, et se construit là son sanctuaire le plus sacré, de façon qu’il lui appartienne entièrement, distinct et séparé de tout ce qui, dans l’homme, a été construit et façonné d’autre manière ; de telle sorte que vous vissiez comme la Divinité fait éclater là sa magnificence dans la richesse de l’inépuisable diversité de ses formes[1]. Quant à moi du moins, je suis toujours de nouveau étonné des nombreuses formations remarquables qui se manifestent dans le domaine [270] si peu peuplé de la religion, des différences qui s’établissent

  1. Tout ce passage est de ceux où Schleiermacher est le plus près d’attribuer, sans paraître s’en rendre compte, au divin tel qu’il le conçoit, une sorte de personnalité.