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Page:Schleiermacher - Discours sur la religion, trad. Rouge, 1944.djvu/305

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après tout en sortir. Et ainsi leur opposition à tout ce qui est positif et librement voulu est en même temps opposition à tout ce qui est déterminé et réel. Si l’on ne veut pas qu’une religion déterminée commence par un fait, elle ne commencera jamais, car il lui faut un fondement, et d’un tel fondement[1] seul quelque chose peut surgir et devenir centre. Or si une religion ne doit pas être une religion déterminée, elle n’en est pas une, elle n’est que matière inconsistante et incohérente. Rappelez-vous ce que les poètes racontent d’un état des âmes avant la naissance, et supposez que l’une d’elles refusât violemment de venir au monde, parce qu’elle ne voudrait pas être tel ou tel, mais un être humain en soi[2] : cette polémique contre la vie est la polémique de la religion naturelle contre la [279] positive, et c’est l’état permanent de ses adeptes.

Demi-tour donc, si vous avez sérieusement l’intention d’étudier la religion dans ses formes déterminées. De celle dite éclairée, revenons à ces formes positives méprisées, dans lesquelles tout apparaît réel, vigoureux et déterminé ; où chaque intuition distincte a sa teneur déterminée et sa relation propre avec les autres, chaque sentiment son propre cercle et sa connexion spéciale ; où chacune des modifications de la religiosité peut se rencontrer quelque part, ainsi que chacun des états d’âme dans lesquels l’être humain ne peut être mis que par la seule religion ; où vous trouvez quelque part élaborée chacune de ses parties, et porté au degré de perfection chacun de ses effets ; où toutes les institutions communes et toutes les extériorisations isolées prouvent la haute valeur qu’on attribue à la religion, allant jusqu’à l’oubli de tout le reste ; où le saint zèle avec lequel on la considère, on la communique, on jouit d’elle, et l’enfantine aspiration avec laquelle on élève les regards dans l’attente de nouvelles révélations de forces divines[3] : où tout cela vous

  1. Version de B ; A disait : « et d’un fondement subjectif seul » ; B laisse tomber « subjectif », et C insiste en ajoutant : « qui ne peut être qu’un fait ».
  2. Je n’ai pas su trouver à quel texte l’auteur se réfère ici.
  3. Le commentaire 11 de 1821 explique qu’il ne s’agit pas ici de nouvelles révélations proprement dites, mais d’une intensification des sentiments exaltés par les révélations acquises.