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Page:Schleiermacher - Discours sur la religion, trad. Rouge, 1944.djvu/320

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est une partie de sa propre conception primordiale du monde. Je ne veux pas non plus vous faire pénétrer plus avant dans le détail de ce qu’il est ; vous avez ses tractations[1] sous les yeux, ce qui manifeste sa manière de mener ses affaires, et je pense vous avoir donné le fil conducteur qui vous dirigera à travers toutes les anomalies et vous rendra accessible, insoucieux de l’issue, la vue d’ensemble la plus exacte possible. Tenez-le solidement en main et, dès le début, n’attachez votre regard qu’à la clarté, la diversité et la richesse [301] avec lesquelles s’est développée cette idée fondamentale.

Quand je considère, dans les descriptions tronquées de sa vie, la sainte figure de celui qui est le sublime auteur de ce qu’il y a jusqu’ici de plus magnifique dans la religion, ce que j’admire ce n’est pas la pureté de sa doctrine morale ; celle-ci n’a fait après tout qu’exprimer ce que tous les hommes parvenus à la conscience de leur nature spirituelle ont de commun avec lui, et à quoi ne peuvent ajouter une plus grande valeur ni le fait de l’exprimer, ni celui d’être le premier à l’exprimer ; je n’admire pas ce qui fait la particularité de son caractère, l’intime union d’une haute force avec une touchante douceur : chaque âme sublimement simple, dans une situation particulière, doit manifester en traits déterminés un grand caractère. Tout cela, ce n’est que choses humaines. Mais ce qui est véritablement divin, c’est la magnifique clarté qu’a revêtue dans son âme la grande idée qu’il était venu représenter, l’idée que tout ce qui est fini a besoin, pour sa liaison avec la Divinité, de médiations supérieures[2]. Il est d’une témérité vaine de vouloir écarter le voile qui dissimule la naissance de cette idée en lui, et doit la cacher, parce que dans la religion tout commencement est mystérieux. La criminelle indiscrétion qui a [302] tenté ce dévoilement n’a pu que défigurer ce qu’il y a là de divin, en le présentant comme si le Christ était parti de la vieille idée de son peuple, alors qu’Il ne voulait que prononcer l’anéantissement de cette idée, et l’a effectivement prononcé sous une forme trop glorieuse, en déclarant être celui qu’ils attendaient[3].

  1. Seine Verhandlungen.
  2. C remplace ce pluriel par le singulier.
  3. Au sujet du messianisme judaïque, cf. p. 290 et 294.