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Page:Schleiermacher - Discours sur la religion, trad. Rouge, 1944.djvu/38

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reviendra, au sein du protestantisme lui-même, à une religion plus positive.

Dès à présent il déclare que c’est la religion qui peut réparer, par son réalisme, l’œuvre destructrice de la réalité qu’accomplit l’idéalisme transcendantal. Notons bien qu’il s’agit pour lui de la réalité spirituelle autant et plus que de la matérielle ; il s’agit de la réalité objet de la religion, du Divin, par conséquence de Dieu. D’une façon plus générale, la religion ajoute d’après lui à la métaphysique le sentiment direct, la certitude absolue de la réalité de cet Infini, de cet Éternel, de ce Divin, auquel la philosophie tend sans pouvoir l’atteindre. Au moment où il tente, par son analyse, de séparer la religion de la métaphysique pour l’isoler à l’état pur, il reconnaît donc à la première une fonction complémentaire de la seconde, supérieure à elle, indispensable pour l’assurer de la réalité de cet Absolu que ses raisonnements ne font que postuler.

Pour comprendre l’insistance de Schleiermacher à séparer la métaphysique de la religion, il convient de tenir grand compte de l’importante réserve qu’il fait ainsi à l’égard de la subjectivité de la systématisation conceptuelle sous sa forme immédiatement contemporaine, celle qu’elle revêt alors dans l’idéalisme fichtéen. Mais il faut tenir compte aussi d’une cause plus générale, qui est sa réserve de principe à l’égard de toute spéculation philosophique. Il ne répugne certes pas aux démarches de la pensée discursive, à la dialectique. Il y est rompu par la longue et très attentive étude de Platon, d’Aristote, de Kant. Il lui fera une large place dans son enseignement universitaire, et publiera dès 1811 une Dialectique qui s’amplifiera dans la suite. Il cherchera donc, et il trouvera à sa manière, l’accord entre la pensée abstraite et le sentiment. Mais le sentiment avec ses intuitions sera toujours l’essentiel à ses yeux sur le plan de la religion, et les superstructures de la spéculation métaphysique un complément intellectuel normal, estimable, utile, dont cependant elle pourrait se passer. Cette subordination de la pensée au sentiment restera une des originalités de sa dogmatique.

En ce qui concerne la morale, son attitude dans les Discours à également une double raison. La première se confond avec celle qui vaut pour la philosophie. Schleiermacher est