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Page:Schleiermacher - Discours sur la religion, trad. Rouge, 1944.djvu/58

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N’y a-t-il pour le théologien romantique pas d’autre immortalité que ces minutes d’extase au cours de la vie terrestre journalière ? Ou celles-ci sont-elles des anticipations fugitives de l’éternité qui succède à la mort ? Sans qu’il le dise aussi nettement qu’on voudrait, il semble que pour lui, la mort, c’est le retour définitif du moi, particularité distincte, finie, à l’infini du grand Tout ; c’est le résultat et l’effet de l’autodestruction du moi particulier par le renoncement à son vouloir-vivre ; c’est la résorption du multiple dans l’Unité infinie et indéfinie de l’Être en soi, la réduction du différencié à l’Indifférencié primordial et final ; c’est ce qui, sous des aspects divers mais plus semblables que différents entre eux, est l’aboutissement du monde et de l’humanité parce que c’en est la loi cosmique, résultant de sa réalité véritable, selon toute la tradition mystique qui va des néo-platoniciens à Eckart, à Boehme, et qui reste dans la ligne d’un désir optimiste de vie indéfinie chez Schelling et chez Hegel comme chez Schleiermacher, avant de tourner à la volonté pessimiste d’anéantissement chez Schopenhauer.

Qu’est-ce qui peut subsister d’individuel dans le moi pur ainsi résorbé ? Très sagement le romantique ajourne, au moment où ses amis auront réalisé en eux cette « fusion avec l’Univers », l’entretien sur « les espérances que la mort nous donne et l’infinitude à laquelle nous nous élevons infailliblement par elle ». Il se refusera jusqu’à la fin du discours, et répugnera toujours, aux spéculations de ce genre. Mais nous savons comme il condamne l’espoir de récompense et la crainte de châtiment dans l’au-delà. Il exclut donc de la vie religieuse la prévision de l’accueil dans les bras d’un Père, comme celle de la comparution devant un Juge. De cette minimisation de l’immortalité dans l’au-delà résulte que c’est au cours de son éphémère existence terrestre surtout que le croyant est heureux ou malheureux, selon qu’il se sent en accord ou en désaccord avec l’exemple de perfection donné par le Christ ; par suite, le problème du salut, et par voie de conséquence celui de la grâce et celui de la prédestination perdent beaucoup de leur importance.

Ainsi ces idées sur l’immortalité, non moins ascétiquement spiritualistes que sa conception de Dieu, sont de celles par